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les marmites. Huit jours après, le 15, arriva de Constantine le colonel de Lourmel avec un bataillon du 51e, le 8e bataillon de chasseurs, deux pièces de 12 et un grand convoi de munitions. Ces deux renforts portèrent momentanément à 8,000 hommes l’effectif général, momentanément, hélas ! car le choléra, venu de Sétif dans les rangs de la colonne Canrobert, sur laquelle il avait déjà prélevé 120 victimes, allait réclamer aux autres corps sa dîme funéraire.

Le général Herbillon avait réorganisé l’infanterie de sa petite armée en trois brigades, sous les ordres des colonels de Barral, Canrobert et Dumontet. Le colonel de Mirbeck continuait de commander la cavalerie, et le colonel Pariset l’artillerie. Le colonel Lebrettevillois, arrivé depuis peu de jours, avait pris, à la tête du génie, la succession de l’héroïque Petit; avec lui étaient venus deux capitaines de l’arme et 30 sapeurs. Ce surcroît de bons ouvriers permit de donner aux travaux languissans une activité nouvelle. Afin d’éviter le retour des incendies dont avaient souffert, le 5 et le 6 novembre, les têtes de sape, le colonel Lebrettevillois fit remplacer le masque habituel par un gabion recouvert d’une peau de bœuf et prescrivit de n’employer pour le fascinage que des brins complètement dépouillés de feuilles. Au feu, qui perdait chance, Bou-Ziane essaya de substituer l’eau ; par des retenues habilement combinées, il essaya de noyer l’attaque de droite, et il y réussit en partie, car la saignée que les sapeurs pratiquèrent à la hâte ne put sauver de l’inondation la totalité des cheminemens.

En même temps qu’il faisait resserrer plus étroitement le ksar, le général Herbillon avait résolu de se donner au dehors les coudées plus franches et de se débarrasser du voisinage inquiétant des nomades. A peine eut-il reçu le dernier renfort amené par le colonel de Lourmel, dès le lendemain même, le 16 novembre, à minuit, laissant à la garde du camp la 3e brigade, il sortit avec les deux autres, la cavalerie et quatre obusiers de montagne. Surpris, au point du jour, près de l’oasis d’Ourlal, les Sahariens furent hors d’état d’organiser leur défense; en moins d’une demi-heure, ils étaient culbutés, poursuivis, dispersés, abandonnant sur le terrain 200 morts, leurs tentes toutes dressées, 15,000 moutons et chèvres, 1,800 chameaux. Le lendemain, leurs cheikhs vinrent demander grâce, rachetèrent, par un fort prélèvement sur le produit de la capture, une partie de leur fortune ambulante et prirent, tout abattus, la direction de leurs campemens d’hiver. Ce grand succès eut pour résultat de dégager les abords de l’oasis et de tenir à distance les adhérens plus ou moins avoués de l’insurrection. Mohammed-bel-Hadj reprit à la hâte le chemin du Souf, et les gens de Sidi-Okba s’empressèrent d’envoyer au camp les charges d’orge que depuis six semaines ils faisaient attendre.