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relations officielles dans l’armée française, ce qui lui constitue des fonctions parallèles mais extérieures à celles du service de santé militaire. Donc, même en temps de paix, elle est considérée comme une institution de guerre ; elle appartient en quelque sorte à l’état, malgré son initiative individuelle; elle est une force sur laquelle et avec laquelle on compte; l’assimilation est complète; l’article 7 du décret ne laisse aucun doute à cet égard : « Le personnel de la Société de secours, lorsqu’il est employé aux armées, est soumis aux lois et règlemens militaires. Il est justiciable des tribunaux militaires par application des articles 62 et 75 du code de justice militaire. » En somme, elle est à l’ensemble du service de santé ce que la réserve est aux troupes en ligne ; elle est un corps hiérarchisé, dont l’intervention peut fixer la victoire ; or la victoire qu’elle cherche et sait obtenir est le contraire de celle que remporte la violence.

Chacune des délégations régionales, correspondantes à la distribution des corps d’armée sur le territoire français, est munie d’un matériel qui offre un spécimen complet de l’outillage de notre Croix rouge. C’est une sorte d’exposition provinciale et permanente des modèles d’infirmerie militaire, depuis les brancards, les tentes d’ambulance, les voitures de transport, les fourgons de cuisine, jusqu’à la boîte de chirurgie, jusqu’au sifflet à l’aide duquel le soldat blessé peut attirer l’attention des brancardiers parcourant le champ de bataille. Si, aux jours des grandes manœuvres, les délégués de la Société de secours sont autorisés par les commandans en chef à mettre leur ambulance en mouvement et à suivre le quartier-général, cela n’en vaudra que mieux ; je ne cesserai de le répéter, car cette éducation pratique est supérieure à toutes les théories développées dans des salles de conférence. Vivre de la vie du soldat, en partager les fatigues, en apprécier les périls, c’est accroître sa propre commisération et apprendre à quel degré de dévoûment doit s’élever « le frère de charité » qui portera le brassard de Genève. Le soldat lui-même ne sera-t-il pas plus ferme à la lutte lorsqu’il saura que le brancardier, l’infirmier, le chirurgien sont là, non loin de lui, prêts à le ramasser, à le recueillir, à le panser ? Il est bon d’apprendre au soldat à faire le sacrifice de son existence, mais il est également bon de lui faire savoir que rien ne sera négligé pour la lui conserver, si elle n’est pas anéantie du premier coup.

Le rôle des présidons de délégations régionales est important. Quoique rattachés au conseil central siégeant à Paris, ils ont une initiative qui, dans certains cas, peut s’exercer d’une façon très active. Tant vaut l’homme, tant vaut la fonction. Si le cœur est ardent et l’intelligence ouverte, il est facile de parvenir, en peu de temps.