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Société de secours aux blessés poursuivait avec persistance sa réorganisation, que, toutes proportions gardées, elle voulait rendre et qu’elle a rendue analogue à celle de l’armée française. Il ne fallait plus être surpris, comme en 1870, ne savoir où courir, s’apercevoir de nouveau que le bon vouloir et la charité sans limites ne peuvent, pour les services hospitaliers militaires, tenir lieu d’expérience, de règlemens et de préparation réfléchie. Afin d’établir utilement ses divisions et ses subdivisions, qui, en temps de guerre, peuvent avoir une importance capitale, la Société de secours n’avait rien de mieux à faire que de se modeler sur l’armée elle-même; car là où sont nos soldats, elle doit être, avec un personnel et un matériel en rapport avec le nombre des troupes. Non loin des canons doivent apparaître les ambulances ; le pansement doit toujours être à portée de la blessure. Je me figure la Croix rouge comme un pompier qui escorte des matières inflammables : que le feu éclate ou n’éclate pas, la pompe est gréée et prête à fonctionner.

La question était grave, car, selon le sens dans lequel elle serait résolue, il en pouvait résulter de grands bienfaits ou de grands inconvéniens. On discuta avec sagesse ; toutes les éventualités furent successivement examinées, et l’on détermina un programme qui ne pouvait, naturellement, recevoir exécution qu’après avoir été approuvé par les autorités compétentes, c’est-à-dire par le ministre de la guerre et par le ministre de la marine. Des pourparlers furent engagés qui durèrent longtemps ; les premières conférences me semblent dater de 1877, et c’est seulement le 3 juillet 1884 qu’elles aboutissent au décret signé E. Campenon, E. Peyron, J. Grévy, a portant règlement pour le fonctionnement de la Société de secours aux blessés militaires[1].» Les prescriptions du décret sont libérales ; elles laissent la Société se mouvoir dans d’assez larges limites, mais elles la rattachent hiérarchiquement à l’autorité militaire, ce qui était indispensable pour éviter toute confusion. Ce décret donne gain de cause à la Croix rouge sur le fait primordial de son organisation. En France, la Société, représentée par ses comités, se divise en autant de régions qu’il y a de corps d’armée : dix-huit corps d’armée, dix-huit délégations régionales; en outre, et ceci est très important, elle est autorisée à se faire représenter auprès du commandant en chef de chaque corps d’armée, auprès de chaque préfet maritime, par un délégué du comité de la région. Elle a donc sa place déterminée, son intervention reconnue, ses

  1. Le décret du 3 juillet 1884 avait été précédé d’un décret, daté du 3 juin 1878, dont il reproduit les dispositions. Il est à remarquer, cependant, que le décret de 1878 admettait, — à titre exceptionnel, il est vrai, — la Croix rouge sur le champ de bataille; le décret de 1884 l’en écarte absolument.