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cartouches mouillées, répondre aux balles qui les frappent? D’autres arrivent, la giberne sur l’épaule ; malheureusement la brèche est trop haute, le talus glissant. Pendant que les hommes du génie, armés de pioches, s’efforcent de saper le pied de la muraille, grenadiers et fusiliers, à plat ventre, essaient de riposter au juger à des tireurs plus nombreux et qui ne se laissent pas voir. Il y a 20 morts. Le chef de bataillon, l’adjudant-major, deux capitaines sont tués ; 4 officiers, 80 hommes sont blessés, la plupart mortellement. Il faut de là aussi regagner les approches. Sur le bord extérieur du fossé, deux compagnies de zouaves protègent la retraite. Dans la nuit, la garde de tranchée eut à repousser, deux heures durant, une sortie des Arabes.

L’échec était grand, il fut ressenti de tous ; mais à l’esprit d’aucun ne vint l’idée de lever Je siège. Le général Herbillon fit demander à Constantine des hommes, des pièces de plus gros calibre, avant tout des munitions et des vivres, car l’artillerie avait presque épuisé ses gargousses, et l’intendance voyait le fond de ses caisses à biscuit. On souffrait, on ne se plaignait pas. Outre les pertes causées par le feu, beaucoup d’hommes étaient morts victimes de la dysenterie, et il y avait encore plus de 600 malades qui s’en allaient à Biskra encombrer l’ambulance. Ce poste, base d’opérations du corps expéditionnaire, prenait plus d’importance de jour en jour; il y fallait un commandant de grade élevé. Le général Herbillon y envoya le colonel Carbuccia, qui, à tort ou à raison, passait chez le troupier pour être malchanceux à la guerre.

En attendant les renforts demandés, le génie continuait ses travaux; à la fin d’octobre, des six officiers de l’arme attachés dès le début à l’expédition, il n’en restait que deux. Afin d’occuper le soldat, de dégager les approches et en même temps de menacer, dans le plus clair de leurs revenus, la fortune des ksouriens, le général Herbillon fit procéder méthodiquement, par coupes réglées, à l’abattage des palmiers. Dirigée par les officiers du génie, l’opération commença le 23 octobre. Le général avait frappé juste; au retentissement des coups de cognée répondirent des clameurs désespérées, des cris de douleur et de rage. Chaque entaille au tronc d’un palmier était une blessure au cœur d’un Arabe. Dès le soir même, les bûcherons furent attaqués, et deux jours plus tard, le 25, assaillis avec encore plus de vigueur et d’ensemble. Bou-Ziane se révélait homme de guerre. Les travailleurs et la garde même furent obligés d’abandonner l’atelier ; il ne fallut pas moins de deux bataillons pour recouvrer le terrain perdu, et quand les Arabes se décidèrent à la retraite, ils emportèrent, à titre de trophée, une caisse de tambour, des outils, malheureusement aussi les corps de deux hommes de la légion étrangère. Cette affaire ne