qu’il peut être considéré comme un malade; dès lors il a quelque droit de prise sur les envois de la Société de secours aux blessés.
Ces larcins qui, à proprement parler, ne sont que des filouteries, ont cela de grave qu’ils portent préjudice aux ambulances. Ailleurs qu’au Tonkin et dans une guerre où les armes françaises n’étaient point engagées, des désordres considérables se produisirent; les diverses sociétés européennes de la Croix rouge s’en émurent, et, au congrès de Carlsruhe, en 1887, on agita la question de savoir s’il ne convenait pas de faire convoyer par des agens spéciaux les expéditions de matériel faites par les comités de secours. La question a été posée, discutée; je ne crois pas qu’elle ait été résolue. Quoi qu’il en soit, la Croix rouge française a fait son devoir en créant des dépôts en Cochinchine, au Tonkin, en Annam, au Cambodge et à Formose. Nos matelots, nos soldats l’ont bénie ; ils savent que sans elle, plus d’un qui a revu le pays serait resté là-bas dans la fosse anonyme dont on oublie jusqu’à l’emplacement. Il me semble qu’à ces longues distances et sous ces climats meurtriers, la Croix rouge, infatigable pourvoyeuse de salut, représente la patrie qui veille sur ses enfans, les soigne, les réconforte et les sauve. Ses archives seront plus tard un précieux document pour l’histoire de la bienfaisance dans la seconde moitié du XIXe siècle. Puisse cette bienfaisance ne se jamais lasser et traquer le mal partout où il se manifeste !
Un ordre général daté de Hanoï, 3 février 1886, rend justice à notre Croix rouge ; le commandant du corps expéditionnaire signale « la sympathie et la sollicitude incessantes de la Société française de secours aux blessés militaires et lui donne un témoignage public de la reconnaissance des troupes de l’Annam et du Tonkin. » Hélas ! on ne se battait pas seulement sur les bords de la rivière Rouge et de la rivière Noire, où « les Célestes » nous ont souvent tenu tête plus solidement qu’on ne l’aurait supposé lorsque l’on se souvenait de la bousculade de Palikao; on guerroyait aussi ailleurs, à Madagascar, qui semble avoir de tout temps exercé une sorte d’attraction sur la France. Nous y sommes, non sans lutte. Y a-t-on retrouvé quelques souvenirs de Maurice Bêniowski? Celui-là ne fut pas un aventurier vulgaire, et le seul résultat de son invraisemblable existence sera peut-être d’avoir fourni à Boieldieu le sujet d’un opéra comique aujourd’hui oublié. Après avoir été fait prisonnier, en Pologne, par les Russes, lors de la guerre de 1769, après s’être évadé de Kamtchaka, s’être presque emparé de l’île de Formose et être venu en France, il fut chargé d’une mission politique et militaire à Madagascar. Il fonda une colonie à Foulepointe et, en 1776, il fut élu ampascabe, c’est-à-dire roi de l’île. Il n’était point Polonais