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passé. En effet, du 12 au 18 octobre, son feu réussit à ouvrir dans les angles battus des brèches qui, à distance, furent jugées praticables. Restait le passage du fossé ; comment le combler? Les fascines n’y suffisaient pas. Ce furent les briques de la zaouïa démolie qui servirent de matériaux ; une chaîne de travailleurs se les passaient de main en main jusqu’à la tête de sape à l’attaque de gauche. A celle de droite, il s’en fallait d’une vingtaine de mètres que les sapeurs n’eussent atteint le bord extérieur, la contrescarpe, en termes de l’art. Pour suppléer au comblement du fossé, qui, de ce côté-ci, n’était pas praticable, le génie se proposa d’y faire descendre, immédiatement avant l’assaut, une sorte de charrette à deux roues, chargée de poutrelles, et qui pourrait faire l’office de pont.

Le général Herbillon était impatient d’en finir. D’après ses dispositions, une colonne composée de 1,300 hommes du 8e du 43e du bataillon d’Afrique, précédée d’un détachement de sapeurs, et commandée par le colonel Dumontet du 43e, devait assaillir la brèche de droite, pendant qu’une autre colonne de 750 hommes du régiment étranger et du 5e bataillon de chasseurs, aborderait, sous les ordres du colonel Carbuccia, la brèche de gauche. Dans le même temps, le commandant Bourbaki, avec les tirailleurs indigènes, le colonel de Mirbeck, du 3e chasseurs d’Afrique, avec la cavalerie régulière, les spahis et le goum, le colonel de Barral, avec les troupes laissées au campement, devaient éclairer les abords de l’oasis, s’opposer aux tentatives de secours extérieur et, le cas échéant, couper aux assiégés la retraite.

Le 20 octobre, à six heures du matin, du haut d’un cavalier de tranchée construit par le génie entre les deux attaques, le général Herbillon fait sonner la charge. A gauche, les deux compagnies d’élite du régiment étranger débouchant au pas de course de la sape démasquée, franchissant le fossé par-dessus les briques croulantes, s’élancent sur la brèche, et par-delà sur un monceau de décombres. Comme les assaillans de Constantine, un cercle de feu, sans issue apparente, les enveloppe. Une dizaine de voltigeurs viennent d’escalader une terrasse : la terrasse s’effondre sous leurs pieds; un pan de muraille, s’écroulant sur eux, les achève; un seul reparaît et vient tomber au milieu de ses camarades. En quelques minutes, 14 hommes ont été tués, 40 blessés. Il faut redescendre, repasser le fossé, rentrer dans la sape. Enivrés du succès, hurlant, se ruant, les Arabes essaient d’y entrer à la suite ; une compagnie de chasseurs les arrête et les refoule. De ce côté, il n’y a rien de plus à faire.

A l’attaque de droite, la catastrophe est pire. La charrette qui devait servir de pont a chaviré ; des grenadiers du 43e, dans l’eau jusqu’au cou, ont passé quand même ; mais comment, avec des