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perçue sans difficulté d’abord. Peu à peu, cependant, des réclamations s’étaient produites et des symptômes d’agitation avaient été signalés.

On ne tarda pas à savoir qui était le principal auteur de cette fermentation encore sourde. C’était un habitant de Zaatcha, nommé Bou-Ziane. Comme presque tous les Biskris, il avait fait, dans sa jeunesse, le voyage d’Alger, où il avait exercé le métier de porteur d’eau. De retour au ksar, intelligent et actif, il avait su grossir son pécule, de sorte qu’il était devenu un personnage relativement riche et considéré. En 1833, le bey de Constantine, Ahmed, ayant voulu punir Zaatcha révolté, la bravoure de Bou-Ziane acheva de le mettre en évidence. Quand l’autorité d’Abd-el-Kader s’étendit pendant un certain temps sur le Zab-Dahraoui, Bou-Ziane exerça, en son nom, dans sa ville natale, les fonctions de cheikh, qu’il dut résigner plus tard, lorsque la domination française fut substituée à celle de l’émir. Bou-Ziane n’aimait donc pas les Français et ne se cachait pas de propager autour de lui le ressentiment qui l’animait contre eux.

Vers la fin du mois de juin 1849, le lieutenant Seroka, adjoint au bureau arabe de Biskra, était en tournée dans le Zab-Dahraoui ; il avait avec lui le cheikh de Lichana et 7 ou 8 spahis. Informé de la propagande exercée parBou-Ztaneet de l’agitation qu’elle avait déjà produite, l’officier résolut d’enlever l’agitateur. Il entra donc dans Zaatcha et le fit saisir ; mais les habitans ameutés délivrèrent leur ancien cheikh, et ce fut le capteur qui se vit au moment d’être fait prisonnier à son tour : il eut toutes les peines du monde à se tirer d’affaire.

Le résultat de cette échauffourée malencontreuse fut l’insurrection déclarée de Zaatcha et des ksour voisins. La garnison de Biskra était trop faible pour qu’il fût permis à son chef, le commandant de Saint-Germain, de penser à réduire les insurgés. Il dut se borner à couper leurs communications avec l’Aurès et se hâta d’avertir Batna, chef-lieu de la subdivision dont Biskra dépendait avec les Ziban. Malheureusement, le commandant supérieur, le colonel Garbuccia, du 2e régiment de la légion étrangère, se trouvait engagé dans le Hodna contre une tribu rebelle. Ce ne fut qu’après avoir rétabli l’ordre de ce côté que le colonel put se diriger à marches forcées vers le sud. Bou-Ziane et son lieutenant Si-Moussa n’avaient pas manqué de mettre le temps à profit pour recruter de nouveaux adhérens et renforcer leurs travaux de défense.

La colonne française, formée du 3e bataillon d’Afrique, de deux bataillons du 2 étranger, de deux escadrons du 3e chasseurs d’Afrique, d’un demi-escadron de spahis, d’une batterie de montagne et d’un petit détachement de sapeurs, avait un effectif de 60 officiers, de 1,690 hommes de troupe et de 300 chevaux. Après avoir touché