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aux différens crédits budgétaires n’est pas, de la part des comptables, une œuvre de caprice et d’arbitraire sans aucun rapport avec la réalité. » (Rapport de M. de Malaret, p. 22.)

Lorsque la commission d’enquête voulut entreprendre l’étude de la législation fiscale de l’Égypte et se reporter aux lois qui établissaient les impôts, elle remarqua que les lois financières n’étaient publiées dans aucun recueil officiel. Or, savoir en vertu de quelle loi un impôt est perçu a été toujours en Égypte la dernière préoccupation du fonctionnaire chargé de le percevoir, comme du contribuable astreint à le payer. Le cheik exécute les ordres du moudir, et le moudir ceux de l’inspecteur-général, qui, lui-même, agit par ordre supérieur. Cet ordre supérieur, c’est toute la loi; les agens du gouvernement s’y conforment, fût-il verbal, et il ne vient à l’esprit des contribuables ni d’en contester l’existence, ni de protester contre sa teneur. « Pour les impôts, le fellah ne peut réclamer, dit un jour l’inspecteur-général de la haute Égypte à la commission ; il sait qu’on agit par ordre supérieur. C’est le gouvernement lui-même qui les réclame; à qui voulez-vous qu’il se plaigne? » On peut dire, du reste, d’une manière générale, que les indigènes acceptent toutes les charges qu’on leur impose, sans rechercher si elles sont plus ou moins légales. Les Européens, au contraire, se refusent fréquemment à les acquitter, et l’administration, mise en demeure de justifier du régulier établissement des taxes, se voit obligée d’abandonner ses réclamations. Quand on construisait un pont, ce n’étaient pas ceux qui s’en servaient qui payaient un droit de péage, le droit était perçu sur les bateaux dont la construction du pont entravait la navigation! Outre l’impôt personnel auquel étaient soumis les indigènes, ceux d’entre eux qui ne payaient pas de contributions foncières devaient un impôt professionnel, même sans exercer une industrie. la raison en était bien étrange : « N’ayant pas de terrain inscrit en leur nom, disait le fiscal, ils sont libres de faire des travaux et de réaliser des bénéfices. » C’est sur cela qu’on se fondait pour les imposer. Afin d’assurer la perception d’un droit de pesage qui produisait, bon an mal an, 1,500,000 francs, on avait interdit aux indigènes le droit de posséder des balances. Après ce trait, il faudrait conclure.

« Dans un pays agricole comme l’Égypte, l’impôt foncier est et doit rester la source principale des revenus du trésor. » Ainsi s’exprime la commission d’enquête, puis elle part de là pour signaler la façon fantaisiste dont les terres sont taxées, mais en reconnaissant que de la constitution même de la propriété devaient résulter pour ces taxes des différences notables. Et voici pourquoi. Toutes les terres ne sont pas possédées au même titre dans ce pays de l’arbitraire ; sur les unes, on a un droit de propriété absolu,