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le général de Salles, commandant la subdivision de Sélif, se mettait en marche avec des forces plus imposantes, 3,500 hommes, afin de prendre à revers, par le sud, les Beni-Slimane, que Saint-Arnaud abordait par le nord. Comme les Kabyles bien informés voulaient prévenir à tout prix la jonction des deux colonnes, ils se jetèrent, le 21 mai, sur la plus faible, mais, s’ils lui firent subir des pertes assez sensibles, ils ne réussirent pas à l’entamer, et la jonction s’opéra, dans cette journée même, en dépit de leurs efforts. Néanmoins, ils refusèrent de s’avouer vaincus, et, jusqu’au 3 juin, ils combattirent ; enfin, voyant leurs jardins détruits, leurs arbres coupés, leurs villages en flammes, ils cédèrent au vainqueur et subirent une lourde contribution de guerre.

La première des opérations extérieures, dirigée par le général Blangini, avait indirectement aidé à la précédente en appelant ou en retenant sur le revers méridional du Djurdjura des contingens qui auraient pu, sans cette diversion, se joindre aux Beni-Slimane; mais le but particulier du général était le châtiment de deux des tribus les plus turbulentes de la subdivision d’Aumale, les Beni-Yala et les Guechtoula. Ceux-ci, adossés au Djurdjura, donnaient asile à tous les fanatiques, à tous les réfractaires, à tous les ennemis de l’autorité française. La colonne sortie d’Aumale était forte; elle comprenait 4,400 hommes, sans compter les goums de Mahi-ed-Dine et de Bel-Kassem. A peine eut-elle atteint Bordj-Bouira que les Beni-Yala s’empressèrent de demander l’aman et de payer les impôts arriérés ; mais les Guechtoula s’obstinèrent avec d’autant plus d’arrogance qu’ils venaient d’être renforcés par un gros contingent de Zouaoua, que leur avait amenés Si-Djoudi, l’un des chefs les mieux obéis de cette confédération belliqueuse et puissante. Un premier engagement eut lieu, le 19 mai, à Bordj-Boghni. Le lendemain, le général Blangini fît emporter la zaouïa de Sidi-Abd-er-Rahmane par les zouaves du colonel Canrobert et les tirailleurs indigènes. Le 21, le marabout de la zaouïa vint, au nom des Guechtoula, demander grâce, pendant que Si-Djoudi et ses Zouaoua, pleins de mépris pour ces prétendus guerriers, si prompts à se soumettre, regagnaient dans l’intérieur du pays leurs montagnes. D’après les renseignemens fournis par les vaincus, la colonne avait eu, le 19 et le 20 mai, plus de 11,000 fusils en face d’elle; les pertes que le feu lui avait fait éprouver étaient de 11 hommes tués et de 105 blessés. Après être allée se ravitailler à Dellys, elle s’engagea dans la vallée du Sebaou. Depuis deux ans, les Flissa avaient oublié de payer l’impôt ; quelques coups d’obusier leur rendirent la mémoire ; quand ils eurent acquitté leur dette, la colonne reprit le chemin de ses cantonnemens et le général Blangini celui d’Alger.