des bénéfices avant d’avoir déboursé une obole. Une seule prise suffit pour cela, un gros « poisson » donnant beaucoup d’huile. De même, une compagnie ne se sentira pas en mauvaises affaires pour une année, pour deux années passées sans avoir mis ses baleinières à l’eau. Une capture importante, un vieux mâle en bon point compensera et largement les longues attentes.
On peut se demander quel avenir est actuellement réservé à cette pêche du cachalot telle qu’on la pratique aux Açores. Un cachalot pris aura toujours une grande valeur intrinsèque, même sans compter l’ambre qu’on y peut trouver. Grâce au minimum de frais que comporte la pêche à terre, on peut présager à celle-ci de longues années de prospérité et même de prospérité croissante, tout au moins tant que le nombre des compagnies restera en rapport normal avec le nombre moyen des cachalots qui visitent les eaux des Açores. En tout cas, les probabilités sont actuellement pour que l’espèce augmente dans une certaine mesure. Il n’est pas douteux que, depuis trois siècles, les grands cétacés ont diminué dans l’océan.. Mais, d’un autre côté, particulièrement en ce qui touche le cachalot, les bénéfices de la pêche lointaine diminuant chaque jour, il s’établira forcément, dans un avenir plus ou moins rapproché, un nouvel équilibre de l’espèce. Le nombre moyen des individus la composant sera moins grand que par le passé, mais il n’est pas déraisonnable d’admettre qu’il augmentera relativement à ce qu’il est aujourd’hui. Il suffit de songer à l’étendue de mer qu’habite l’espèce. Du moment que la chasse par des navires équipés pour les longs voyages se ralentit, les cachalots survivans, — et ce sont des multitudes, — vont retrouver une sécurité relative loin des côtes. L’espèce va donc tendre vers son ancien équilibre, sans toutefois le retrouver, ne fût-ce qu’en raison des progrès de la civilisation ; en tout cas elle se maintiendra comme une foule de bêtes sauvages des continens, autrefois abondantes, et qui n’ont pas disparu, pour rares qu’elles soient devenues en face des chasseurs chaque jour mieux armés.
On peut étendre au cachalot le raisonnement déjà fait à propos d’autres genres d’animaux. Que toutes les côtes de l’océan se couvrent de compagnies et de baleiniers à l’affût, l’étroite zone littorale où s’exerce leur action ne sera jamais qu’une parcelle insignifiante de la surface des mers, comparée à l’immensité du domaine dont les cachalots semblent les maîtres, après l’homme.
G. POUCHET