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leines et cachalots, près desquels le mammouth lui-même n’est qu’une bête aux proportions modestes, dans le rapport d’un gros rat comparé à un saumon. De même qu’aucun reptile et aucun oiseau n’atteignent la taille des grands pachydermes terrestres, de même aucun poisson dans la mer n’approche, — et il s’en faut de beaucoup, — des dimensions des grands cétacés, qui sont eux aussi des mammifères, c’est-à-dire des animaux dont l’organisation est de tous points comparable, sinon semblable à la nôtre. Leur sang, qui coule par torrens dans des veines grosses comme le corps d’un homme, est chaud ; ils ont des poumons pour respirer l’air et mettent au monde des petits, un seul le plus souvent, que la mère nourrit de son lait, qu’elle surveille et qu’elle défend jusqu’à se faire tuer, plutôt que de l’abandonner même mort.

A aucune époque des temps passés, autant que nous l’enseigne la paléontologie, le globe terrestre n’a vu d’animaux de la taille des baleines et des cachalots. C’est une illusion très répandue, et qu’a pu seule excuser la surprise des premières découvertes, de se figurer les végétaux ou les animaux éteints comme ayant été plus grands que les nôtres. C’est le contraire qui est la vérité. On n’a exhumé aucun arbre fossile à mettre en parallèle avec le cèdre ou les grands conifères du Nouveau-Monde. De même pour les animaux. A la vérité, nous n’avons plus de reptiles aussi grands qu’étaient le mégalosaure, l’ichthyosaure, l’iguanodon ; mais ce qui étonne en eux, c’est surtout la nature reptilienne associée à des dimensions que nous ne connaissons plus chez les quadrupèdes à sang froid ; car ces espèces étaient loin, d’avoir la taille du mammouth ou des plus petites baleines connues. A la vérité, on a découvert dans le Dacota des ossemens de reptiles vraiment gigantesques. Mais on ne connaît pas encore leur squelette tout entier, et on est exposé de la sorte à d’étranges mécomptes. Chez l’iguanodon, la puissance du train postérieur n’aurait jamais laissé deviner les faibles proportions de la tête et des jambes de devant, si plusieurs exemplaires de l’animal intact n’avaient été rencontrés au fond d’une mine de la Belgique. A l’inverse, on pourrait citer tels poissons, la baudroie et d’autres, dont la tête seule est grosse plusieurs fois comme le reste du corps. Quelques ossemens retrouvés d’un animal disent en somme fort peu de chose sur sa taille, s’il n’appartient à un type déjà complètement connu. Ces reptiles du Dacota ont été véritablement des animaux extraordinaires ; et cependant, jusqu’à plus ample découverte, la souveraineté de la masse reste encore aux grands cétacés actuels. On peut ajouter qu’aucun cétacé fossile n’égale les nôtres. Les baleines exhumées en grand nombre quand on a creusé les fossés de la citadelle d’Anvers, les cachalots qu’on y trouva égale-