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séances de la douma, le self-government languit, végète, faute de ressources sérieuses, faute de libertés politiques et d’esprit public. A Saint-Pétersbourg, sur 252 conseillers, 80 au plus siègent à chaque séance, et il a fallu, pour stimuler leur zèle, accorder de véritables appointemens aux membres qui travaillent dans les commissions : pratique chère aux parangons de certaine démocratie, mais qui rend les libertés municipales singulièrement onéreuses. A Pétersbourg, sur un budget de 7,644,745 roubles, les traitemens du maire, de l’adjoint, de l’ouprava, absorbent 65,426 roubles; le total des frais d’administration de l’édilité approche de 500,000 roubles. On cite des villes où les frais de ce genre mangent la moitié des recettes. Les séances sont publiques, mais l’électeur ne s’y montre pas plus assidu que l’élu.

Lorsqu’on voit la douma si négligente à remplir son devoir, comment s’étonner si l’ouprava, comité permanent qui rappelle le magistrat allemand, le collège échevinal belge, arrive peu à peu à accaparer son autorité, si le golova, d’accord presque toujours avec les représentans du pouvoir central et de l’ouprava s’érige parfois en tyran local. En Russie, ce sont les électeurs qui manquent d’indépendance vis-à-vis du golova qu’ils ont nommé; grâce au mode de scrutin, celui-ci a tant de moyens de faire nommer ses créatures, ses partisans, de se perpétuer au pouvoir ! Saint-Pétersbourg, Moscou, elles-mêmes nomment leur golova, de même que chaque village élit son staroste; seulement, dans ces deux capitales, la douma présente deux candidats entre lesquels choisit l’empereur. De telles franchises n’offrent aucun inconvénient dans le pays du tchin, de la bureaucratie, de l’absolutisme. Les villes votent à leur maire une indemnité pécuniaire; le gouvernement lui accorde un uniforme et un rang dans la hiérarchie officielle. Pour un maire, dans les petites villes, l’important est d’être bien vu de l’administration qui se plaît à le regarder comme un auxiliaire, sinon comme un instrument.

En résumé, les institutions municipales des communes urbaines sont une œuvre moderne, artificielle, imitée de l’étranger, privée de la force que communiquent la tradition et les mœurs. Au contraire, la commune rurale russe, qui demeure le domaine exclusif du paysan, est une institution séculaire et démocratique, à laquelle sa vitalité naturelle permet de se passer de l’aide et de la direction de la loi écrite.

Les institutions municipales et fédératives que l’on remarque, à des degrés divers, dans les provinces chinoises, n’existent nullement à Pékin, où règne la centralisation la plus absolue, une centralisation à la quatrième puissance, dont les habitans n’ont guère à se louer si l’on en juge par l’état déplorable des égouts et la