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tutelle exercée sur le conseil communal, on peut la comparer à celle qui existe en France, sous cette réserve qu’en Suisse elle appartient à des corps électifs, tandis que chez nous elle a en général pour interprètes les agens du pouvoir central. Le conseil d’état peut, avec l’approbation du grand conseil, suspendre et dissoudre le conseil municipal, à condition de faire procéder à une élection nouvelle dans le délai d’un mois.

Les Allemands, disait le baron Nothomb, se piquent de ne rien emprunter aux autres, de tout inventer : on n’invente pas plus en politique qu’en amour. Il n’y a qu’une manière d’être libre, de même qu’il n’y aura jamais qu’une façon de faire les enfans. Non-seulement les Belges ne se piquent nullement de tout inventer, mais ils ont l’horreur des changemens brusques, estiment qu’un peuple toujours à la veille de bouleverser son gouvernement n’est pas un peuple, que son existence est plus précaire que celle des tribus du désert, qui, du moins, emportent quelques idées d’ordre héréditaire dans les plis de leurs tentes ; aussi se défient-ils singulièrement des grands parleurs du radicalisme, qui prétendent remettre tout en question ; tout en aimant la liberté moderne, ils ne craignent pas de l’amalgamer au self-government féodal. Vieux noms, vieilles choses, vieilles institutions transformées, adaptées aux besoins nouveaux, ils ont gardé tout ce qu’on pouvait garder, et les conseils provinciaux, et cette députation permanente qui procède directement de la députation des états avant 1789 et servit de modèle aux commissions départementales instituées en France par la loi de 1871.

Il y a, dans chacune des 2,541 communes belges, un bourgmestre, des échevins, un conseil ; le bourgmestre, nommé par le roi, qui, avec l’avis conforme de la députation permanente, peut le choisir hors du conseil ; les échevins, nommés par le conseil (une loi de décembre 1887 vient d’enlever leur nomination au roi) : deux dans les villes qui ont moins de 20,000 âmes, quatre dans les villes plus peuplées; Bruxelles et Anvers ont chacune cinq échevins. La constitution fixe à 20 florins (42 fr. 50) le minimum du cens électoral, mais elle ne l’établit que pour les élections législatives[1]; en matière communale et provinciale, les conditions du droit électoral étant réglées par de simples lois, on a pu les élargir. Le nombre des électeurs appelés à élire les conseils communaux est donc beaucoup plus considérable, car on n’exige d’eux qu’un cens

  1. Les Belges n’ont pas le suffrage universel, mais tout est bien qui fonctionne bien; ils inclinent même à croire que le régime parlementaire, arrivé chez eux à la perfection, grâce à la sagesse des partis, grâce à l’influence pondératrice de la royauté, est incompatible avec ce système de vote que Gambetta conseillait à M. de Laveleye de ne pas adopter, « car, disait-il, il vous livrerait au clergé. »