Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/605

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépasse l’enceinte de la métropole et s’étend sur tout le royaume ; cette fraternité du sol et des intérêts communs qui y naissent, âme de la liberté municipale, s’éteint un peu partout. « Un Anglais a toujours l’air d’aller chercher un accoucheur,. » disait Hamilton ; son activité, son empressement pour les affaires du gouvernement local diminuent d’année en année, les citoyens abdiquent volontiers entre les mains d’employés salariés ; ils paient leur homme, suivant leur expression, et sont satisfaits.

Les partisans du statu quo ou des réformes tempérées ne restent pas à court d’argumens. Il ne leur déplaît pas que tous les siècles, tous les systèmes aient contribué par quelques traits à présenter une image « qui ressemble assez à ces points de vue où une tranchée de chemin de fer découvre aux yeux des formations de tous les âges. » Nous reconnaissons, observent-ils, qu’il reste beaucoup à faire, mais vous avouez vous-mêmes qu’on a énormément marché depuis trente ans, que Londres n’est ni plus mal ni plus chèrement administré que d’autres capitales, que les grands bureaux fonctionnent avec une supériorité reconnue. Est-ce que nous ne défendons pas les vieilles libertés locales? Est-ce que ces centres d’activité si divers ne constituent pas la vraie sauvegarde du self-government, et ne rendent-ils pas impossibles ces soulèvemens, ces crises violentes que favorise ailleurs la centralisation excessive du gouvernement communal? Que deviendrait le parlement d’Angleterre en face d’un parlement municipal représentant 4 millions 1/2 d’habitans agglomérés? l’histoire de la commune de Paris dépose contre une conception si funeste. D’ailleurs, Londres est une expression géographique, nullement une chose vivante, et l’âme municipale fait défaut à ses habitans. Quant à la corporation de la cité, n’élit-elle pas tous les ans les membres de son conseil, tandis que les membres de la chambre des communes ne se représentent devant leurs électeurs que tous les sept ans? N’a-t-elle pas été le berceau des libertés naissantes? Depuis 1784, elle publie régulièrement un compte détaillé très clair de ses recettes et dépenses ; elle a réduit sa dette, pendant que la chambre des communes portait la sienne de 45 à 85 millions de livres ; exécuté une quantité de travaux de premier ordre, préparé la plupart des réformes, supprimé bien avant le parlement la vénalité des offices, donné libre accès aux juifs, aux catholiques, aux non-conformistes, rendu publiques les séances des aldermen, du Common council, lutté pour la liberté anglaise contre les empiètemens des rois. La juger d’après la perruque du lord-maire, d’après sa robe de velours et ses sergens, c’est être dupes des apparences ou manquer de bonne foi. Si vous condamnez cette antique défroque, jetez en même temps au feu la robe du magistrat et du professeur, les épaulettes de l’officier,