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où l’élément ancien ne l’ait emporté sur l’élément nouveau? »

En 1880, le revenu et les dépenses de la cité atteignaient le chiffre de 60 millions de francs, sa dette celui de 132 millions, pour lesquels elle paie 3 1/2 et 4 pour 100 d’intérêt. En dehors des taxes directes qu’elle perçoit et des revenus de ses propriétés, diverses chartes lui ont concédé des droits de marché, de port, de jaugeage, des droits sur les grains, les charbons, les ventes de bestiaux...

C’est à son organisation corporative, à ses guildes, que la cité doit de n’avoir pas succombé aux efforts d’ennemis plus bruyans et opiniâtres que nombreux. Modeste fut l’origine de ces guildes, éclatante leur destinée. Veut-on assister à la naissance de la corporation des épiciers ou poivriers? Un jour de l’année 1384, vingt-deux poivriers de Soper’s Lane Cheapside, dînant ensemble, décident de fonder une guilde et désignent deux d’entre eux comme premier gouverneur et premier warden. Un prêtre est engagé afin de chanter et prier « pour la confrérie et tous les chrétiens ; » ils conviennent encore de verser chacun une contribution d’un penny par semaine (aujourd’hui on paie parfois plus de 100 livres par an). Et c’est ainsi, observe M. Dehaye, tout en priant et festoyant, qu’entra dans le monde la corporation des épiciers. Encouragés par les rois, les corps de métiers supplantèrent peu à peu la bourgeoisie et s’arrogèrent le gouvernement des villes; à Londres, ils se distinguent de bonne heure par de magnifiques costumes, escortent leur maire dans de somptueux cortèges, lorsqu’ils vont le présenter au souverain, à Westminster. Au sacre d’Edouard Ier, les confréries paraissent à cheval, vêtues de rouge et de blanc, avec les emblèmes de leur métier ou mystère ; bientôt elles prennent le titre officiel de livery Companies ou compagnies à livrées. La livrée devient un véritable honneur, et prend une si grande place qu’on priait quelquefois le roi de la composer lui-même.

Autrefois, personne ne pouvait entrer dans une guilde s’il n’exerçait une profession mécanique ou commerciale ; mais la faculté d’acheter ce droit finit par dénaturer l’institution. S’avisant qu’il y avait là une source d’influence et de solides avantages, des étrangers qui n’appartenaient à aucun métier se firent admettre ou affilièrent leurs fils comme apprentis, et parvinrent à dominer les véritables artisans. Aujourd’hui, les chefs des guildes administrent presque sans contrôle les affaires et les propriétés, parfois très considérables, de l’association. A entendre leurs détracteurs, ils se maintiennent par la brigue, par la corruption, et estimant, avec les Espagnols, que le ventre est un grand politique, font des fêtes, des banquets de Mansion-House et du Guildhall un instrument de