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LE
RÉGIME MUNICIPAL
DES
GRANDES VILLES ETRANGERES


I.

On a beaucoup parlé depuis trente ans de la centralisation, écrit, pour ou contre elle, bien des ouvrages, prononcé bien des discours. S’est-on toujours rendu compte de la signification exacte du mot, de sa portée, des avantages, des dangers qu’il recouvre? N’en est-il pas de la centralisation comme de la liberté, de l’égalité, mots vagues et glissans, qui, mal compris, peuvent servir de passeport à la tyrannie la plus détestable, de prétexte au fanatisme le plus étroit? Tant vaut l’interprète, tant vaut la chose; tant vaut l’application, tant vaut l’instrument. Quand on lui parlait d’esprit, Locke interrogeait : « De quel esprit parlez-vous ?» De quelle centralisation pariez-vous? demanderons-nous aux théoriciens. Est-ce de la centralisation politique, pseudonyme d’unité nationale, de cette centralisation si nécessaire qui fait les peuples comme les abeilles font une ruche, sans laquelle ceux-ci ne sauraient vivre, prospérer, grandir? Ou bien songez-vous à la centralisation administrative, conception toute romaine, chère aux géomètres politiques, qui, poussée à l’excès, détruit le sentiment de l’initiative, engendre des races moutonnières, conduites par une armée de fonctionnaires, habituées à tout attendre du pouvoir, rapportant tout à lui, prêtes aussi à lui imputer la responsabilité des accidens auxquels il demeure