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de s’affranchir des traités de 1815. Mais leurs efforts restaient impuissans. Si le tsar était froissé de ne pas occuper la première place dans l’engouement populaire, Napoléon III ne l’était pas moins de l’absence de l’impératrice Marie, qui restait obstinément à Darmstadt près de son frère le grand-duc. On avait espéré à Paris jusqu’à la dernière minute que l’impératrice Eugénie pourrait être du voyage. — « Faites-moi savoir par dépêche et en chiffres, dès que vous l’apprendrez, si l’impératrice de Russie viendra à Stuttgart, » écrivait le comte Walewski à notre ministre, encore à la date du 15 septembre. « Après trois dépêches pressantes du roi restées sans réponse, télégraphiait M. de Perrière, l’impératrice a enfin fait savoir qu’elle ne viendrait pas. » Ses refus persistans dénotaient un parti-pris inspiré par d’invincibles préjugés.

Le chancelier russe tenait à l’alliance; il finit par avoir raison des pensées chagrines de son maître. Sur ses instances, Alexandre II écrivit à l’impératrice ; il la pria de paraître à Stuttgart, et, pour bien lui faire comprendre qu’il n’admettait pas d’objections, il lui envoya à Darmstadt un train spécial pour la ramener.

Elle arriva le 26 dans la soirée avec sa cousine, la reine de Grèce, qui n’était pas conviée, à contre-cœur, mal disposée; elle se sentait violentée. Napoléon III était un charmeur ; il eut raison de son déplaisir. Par son aménité et la grâce de son esprit, il parvint à la réconcilier avec le grand effort qu’elle venait de faire. Il sut atténuer ses préventions contre sa personne; elle se l’était représenté comme un parvenu de la fortune ; il se révéla à elle comme un parfait gentleman.


VII. — LES FETES A LA COUR DE WURTEMBERG.

Les fêtes se succédèrent ; on dînait à la cour et on assistait à des raouts chez la princesse royale. Les revues furent supprimées du programme ; le roi était un pacifique, et l’armée wurtembergeoise ne brillait ni par la tenue ni par la discipline ; on bavardait dans les rangs et on manœuvrait à la bonne franquette. Elle s’est bien transformée depuis sous la férule prussienne. Mais le roi n’épargna pas à Napoléon III le tour du propriétaire ; il lui fit admirer à Hohenheim ses établissemens agricoles, et le conduisit avec de magnifiques attelages à ses haras de Weil, élevés et entretenus à grands frais, dans les environs de sa capitale, à la glorification de la race arabe et persane, tandis que l’empereur Alexandre se livrait solitaire au plaisir de la chasse. Il donna à ses hôtes une fête de nuit avec des illuminations féeriques à la Wilhelma, un petit palais mauresque, mystérieux, inaccessible, réminiscence en carton-pierre de l’Alhambra,