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en surveillance sur le versant méridional du Djurdjura, on trouvera plus que les 30,000 hommes demandés par le maréchal Randon,

Le 19 mai, le maréchal prit à Tizi-Ouzou le commandement de l’armée. Un ordre prescrivit aux hommes de marcher sans sacs et de n’emporter dans la tente-abri roulée en sautoir que les cartouches et les vivres pour quarante-huit heures. La pluie, l’orage, le brouillard les retinrent pendant cinq jours ; enfin, le 24, les clairons sonnèrent la marche. Les divisions Jusuf et Mac-Mahon avaient pour commun objectif un contrefort dit des Akerma, dont l’arête, signalée par une succession de villages étages, aboutit au plateau de Souk-el-Arba, «le marché du quatrième jour, » qui est le centre de la confédération des Beni-Raten et, par elle, de toute la Kabylie. La division Renault, placée à droite, devait s’élever comme les autres, mais par un contrefort de moindre importance.

S’élever est le mot propre, car, sur un parcours de 6 kilomètres à vol d’oiseau, la différence perpendiculaire entre le point de départ et le point d’arrivée atteignait 900 mètres. S’il ne s’était agi que d’une pente régulière de 15 pour 100, il n’y aurait eu trop rien à dire, mais il y avait que cette côte rocheuse et tourmentée se tordait, comme une couleuvre, en tronçons hachés par des ravins abrupts. Le propre du combat sur un terrain de cette sorte, et, en général, le propre de la guerre de montagne, est de diviser l’action, de l’éparpiller en mille petites actions particulières, individuelles pour ainsi dire, où les combattans, à parité de bravoure, doivent se distinguer surtout par l’intelligence.

Tout ce qu’il est possible de noter dans cette journée du 24 mai, c’est que, des villages échelonnés sur l’arête des Akerma, ce furent les deux derniers, Affensou et Ismaïseren, qui furent le mieux défendus par les Kabyles. Le soir venu, ils crurent que les Français allaient, comme d’habitude, se replier sur leurs bivouacs ; mais quand ils les virent, au contraire, s’établir dans leur conquête, ils concentrèrent sur le plateau de Souk-el-Arba toutes leurs forces, et le 25, dès le point du jour, ils prirent l’offensive avec fureur. Devant Ismaïseren surtout, ils combattirent en désespérés; mais ils avaient devant eux Mac-Mahon, Bourbaki, les zouaves de Sébastopol; comment déloger de tels occupans? Tout à coup, vers midi, le feu cessa ; vers trois heures, on vit une grande foule s’agiter sur le plateau; puis on entendit une grande salve. C’était, suivant l’usage kabyle, l’adieu des contingens étrangers. Les Beni-Raten avaient décidé de se soumettre ; les autres retournaient chez eux. Dans la soirée, les premiers firent demander au maréchal vingt-quatre heures d’armistice ; elles leur furent accordées.

Le 27 mai, dans l’après-midi, vers quatre heures, cinquante députés de la confédération se présentèrent ; le colonel de Neveu,