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frère, comme lui descendant d’une grande race, allait s’humilier aux pieds d’un aventurier sorti d’une basse tente des Ouled-Sidi-Cheikh, à l’idée que cet aventurier osait rivaliser d’influence avec lui, Si-Hamza, chef de guerre et marabout vénéré, dont le renom s’étendait d’une extrémité du désert à l’autre, tout son sang bouillonna dans ses veines, et son vieil orgueil se révolta. On avait bien ri naguère entre Arabes, il avait ri sans doute lui-même de l’ignorance des Français qui s’étaient laissé duper si longtemps par ce faux sultan, par ce khalifa de rencontre; de Si-Hamza on ne devait pas rire. Si-Hamza était le type de ces grands seigneurs dont le concours, en dehors du Tell d’Alger et d’Oran, d’où leur influence avait été insensiblement écartée, paraissait encore indispensable à l’autorité française. Tels étaient, avec lui, Bou-Akkas dans le Ferdjioua, les Mokrani dans la Medjana, les Ben-Gana dans le Zab. Très sincèrement il s’offrit au général Pélissier pour marcher à la tête des goums sahariens contre le chérif, et tarés sagement on accepta son offre.

Le général Pélissier organisait sa colonne. Parmi les corps appelés à en faire partie figurait un nouveau régiment de zouaves, le 2e. Dès les premiers jours de son gouvernement, le général Randon s’était préoccupé d’accroître l’effectif des corps spéciaux de l’Algérie, zouaves, chasseurs d’Afrique, spahis, et il avait, dès le 20 janvier 1852, adressé au ministre de la guerre un projet conforme à ses préoccupations. Il n’avait eu tout à fait gain de cause qu’au sujet des zouaves. Un décret du 13 février avait admis, dans les cadres de l’armée française, trois régimens de zouaves, un pour chacune des trois provinces de l’Algérie. Les trois bataillons de l’ancien et unique régiment formèrent le noyau des nouveaux corps, dont l’effectif très élevé comportait un complet de 3,600 hommes, qui fut même dépassé, de sorte qu’à eux seuls les zouaves auraient pu constituer une division de 11,000 baïonnettes. Vers le milieu de l’année, leur organisation était faite. Les colonels et lieutenans-colonels étaient : pour le 1er régiment d’Alger, Bourbaki et Lavarande; pour le T d’Oran, Vinoy et Cler; pour le 3e de Constantine, Tarbouriech et Jannin.

Dans les premiers jours de novembre, le 2e zouaves reçut l’ordre de former deux bataillons expéditionnaires de 625 hommes; en l’absence du colonel Vinoy retenu en France, le lieutenant-colonel Cler en prit le commandement. Après avoir rallié en chemin une colonne amenée de Saïda par le général Bouscaren, le régiment fit séjour au ksar d’El-Riod, qui, relevé de ses ruines et fortifié, devint le poste de Géryville, du nom de l’officier mort à la peine qui, sous le maréchal Bugeaud, avait longtemps et glorieusement servi dans ces parages. Le général Pélissier attendait les nouvelles de Jusuf,