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et avaient perdu deux des leurs ; le 12, un pareil guet-apens avait surpris non loin de Bône, dans la forêt de Beni-Sala, un détachement débucherons militaires ; de dix-huit, onze furent tués. Fait plus grave, dès le 5, les puissantes tribus des Harakta et des Nemencha s’étaient mises en armes et avaient investi le poste d’Aïn Beïda. Les uns et les autres avaient bien spéculé sur la diminution des forces de la province pendant l’expédition de Collo. Heureusement l’énergie des commandans de cercle y suppléa ; ils ne permirent pas à ces tronçons de révolte de se rejoindre et de prendre corps, et quand des renforts arrivèrent d’Alger et de Dellys, une grande partie du mal était réparée. Le chef du bureau arabe de Bône, le capitaine Mesmer, s’était fait bravement tuer, mais l’offensive qu’il avait prise avait fait reculer l’insurrection et permis au colonel de Tourville de rétablir l’ordre amour de Bône et de Ghelma. Tout était fini de ce côté quand y arriva de Collo le général d’Autemarre.

Il restait à châtier les Harakta et les Nemencha. De retour, le 3 juillet, à Constantine, le général de Mac-Mahon en repartit le 4, se fit rejoindre par la colonne d’Autemarre, et marcha aux insurgés avec huit bataillons, quatre escadrons et six pièces de montagne. Les tribus menacées avaient évacué leurs territoires et s’étaient réfugiées en Tunisie, sans y avoir été désarmées par les autorités tunisiennes. Devant ce manque de foi et ce mépris des obligations internationales, le général n’hésita pas ; il passa la frontière, atteignit, le 13 juillet, avec sa cavalerie, l’émigration près de la montagne de Kala, lui tua 400 hommes et lui prit 16,000 moutons, 800 bœufs, une centaine de chameaux. Tout était fait quand l’infanterie survint ; elle avait marché vingt-trois heures. Après cette exécution, le général Mac-Mahon rentra d’abord sur son territoire, fit route au nord, et, ayant appris que les Beni-Sala étaient aussi passés en pays tunisien, il les y alla chercher et châtier comme les autres.

Ces violations de frontière, que justifiaient de ce côté l’incurie et la mauvaise foi des Tunisiens, l’incurie et la mauvaise foi des Marocains les justifiaient pareillement à l’autre extrémité de l’Algérie. Des bandes de Beni-Snassen, descendues de leurs montagnes, étaient venues, sur le territoire français, jusqu’à Lalla-Maghnia même, attaquer des Arabes occupés aux travaux des champs et s’en étaient allées vendre sur le marché d’Oudjda les dépouilles ensanglantées de leurs victimes. Toutes les réclamations faites au kaïd marocain n’ayant obtenu que des réponses évasives ou dilatoires, le général Montauban, successeur du général de Mac-Mahon à Tlemcen, avait réuni des troupes à Lalla-Maghnia et à Nemours, était entré chez les Beni-Snassen, et les avait battus dans toutes