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La campagne de l’élection présidentielle des États-Unis vient d’être close ou à peu près par le scrutin du 6 novembre. Elle n’est point sans doute tout à fait finie, puisqu’on n’en est encore qu’à un premier vote, au choix des délégués des états chargés de désigner définitivement le personnage public qui, à partir du 4 mars prochain, sera pour quatre ans l’hôte de la Maison-Blanche à Washington ; mais comme les délégués reçoivent des partis qui les choisissent Une sorte de mandat impératif et nominatif, comme tout est prévu et réglé d’avance, le reste n’est plus qu’une formalité : le second vote n’a plus rien d’inconnu, il n’est que la sanction du premier. C’est le scrutin du 6 novembre qui a tout décidé, et, d’après les résultats désormais acquis de ce scrutin, le vaincu est le président Cleveland, qui briguait une prorogation de pouvoir ; l’heureux vainqueur est le candidat du parti républicain, M. Harrison, qui a dès ce moment une majorité assurée. Telle est la fortune électorale au-delà de l’Atlantique comme partout ! Le parti républicain a eu longtemps le pouvoir, il en a joui et abusé pendant un quart de siècle sans interruption ; il l’avait perdu en 1884 par l’élection de M. Cleveland, qui était la première victoire du parti démocrate depuis la guerre de la sécession. Aujourd’hui, la chance tourne de nouveau en faveur des républicains et de leurs candidats, qui vont rentrer à la Maison-Blanche. Le président désigné, M. Harrison, d’ailleurs, sans être absolument un inconnu, n’a point par lui-même une notoriété bien éclatante. Il est le petit-fils d’un ancien président. Il a été longtemps homme de loi dans l’Indiana ; il a été aussi général pendant la guerre de la sécession. Depuis la guerre, il a repris ses travaux d’avocat, il a été gouverneur de son état, sénateur. Le vice-président, M. Morton-Levi, est un homme connu dans les affaires, qui a représenté pendant quelques années la grande république en France. Le succès des deux candidats est d’autant plus significatif qu’il a été chaudement disputé jusqu’au bout.

Rien n’a manqué en effet à cette lutte qui est engagée depuis quelques mois déjà, qui s’est animée par degrés et a fini par prendre un caractère singulièrement vif entre les partis. Aux premiers momens, M. Cleveland semblait garder encore tous les avantages. Il était d’abord à la Maison-Blanche, il avait montré de la modération, de la mesure dans le gouvernement. Il avait témoigné l’honnête intention de réagir contre les abus de toute sorte légués par la longue domination républicaine et devenus tellement crians qu’ils avaient fini par soulever l’instinct public. Il avait de plus la chance de se trouver au pouvoir dans un moment d’incomparable prospérité financière, et il avait eu la pensée d’en profiter pour proposer de revenir à une politique commerciale plus libérale, à des adoucissemens de tarifs. C’était après tout un programme de bon sens et de prévoyance. M. Cleveland, malheureusement