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famille, et, pour peu que l’esprit de parti s’en mêle, ce qu’on appelle, avec une pompe assez puérile, un « instrument de réorganisation financière, » peut devenir, entre les mains des partis, un instrument de guerre intestine dans les localités. De tous les impôts, celui-là est certainement destiné à être le plus impopulaire, comme il est le plus dangereux, parce qu’il ajoute une cause de division de plus à tant d’autres causes de division. De sorte que M. le ministre des finances, avec son impôt sur le revenu, n’est pas plus heureux que M. le président du conseil avec sa révision : l’un et l’autre ne font qu’aggraver et envenimer une situation déjà singulièrement compromise.

Est-ce à dire qu’on ne puisse se dégager de ces fatalités, qu’il ne reste plus qu’à se livrer au hasard? Rien ne serait peut-être impossible encore si on la voulait. Ce serait à M. le président de la république de ne pas s’enfermer dans une fonction inerte, de ne point craindre d’user de son initiative, de son pouvoir modérateur. Ce serait au sénat d’exercer ses droits librement, résolument, comme il l’a fait ces jours derniers, en disputant l’existence de la préfecture de police à M. le président du conseil. Ce serait enfin aux modérés de la république de se demander s’ils n’ont rien de mieux à faire que d’être les complaisans muets des ministères radicaux. On ne sait plus depuis longtemps ce que c’est que se servir énergiquement de la constitution et des lois pour rendre au pays la paix et la confiance, en le préservant à la fois du hasard des dictatures et de l’avilissement de l’anarchie!

Les affaires de l’Europe vont-elles prendre, avec l’hiver, une tournure nouvelle? Se décideront-elles dans un sens ou dans l’autre, et puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, pour la paix ou pour la guerre, pour la paix indéfinie ou pour la guerre à prochaine échéance? Ces jours derniers encore, le chef du ministère anglais, lord Salisbury, au banquet du nouveau lord-maire, parlait une fois de plus des armemens démesurés sous lesquels plient les peuples, qui s’accroissent sans cesse. Rien certes de plus vrai; mais ces armemens ne sont que la conséquence ou la suite d’une situation générale, de tout un ensemble de rapports généraux, d’un état de défiance universelle, d’une certaine politique. C’est cette situation générale qui reste le danger perpétuel et qui ne peut malheureusement ni changer ni se simplifier du jour au lendemain. Elle est ce qu’elle est, avec ses faiblesses et ses périls, avec ses dissonances et ses diversions, — Tantôt menaçante, tantôt un peu plus rassurante. Heureusement pour aujourd’hui, pour l’heure présente, rien de bien grave n’apparaît dans les affaires de l’Europe. Les parlemens se rouvrent sans grand éclat à Londres comme à Rome. Une élection vient de se faire en Prusse pour le renouvellement de la chambre des députés du royaume. Les gouvernemens s’occupent de