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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre.

Plus que jamais le moment vient de voir nos choses françaises de près, dans leur inexorable réalité, sans se payer de mots et d’illusions ou d’artifices de parti, qui d’ailleurs ne serviraient plus à rien.

S’il est aujourd’hui un fait positif, éclatant, presque universellement avoué, c’est qu’on est arrivé à un point où l’on sent que tout est épuisé, que ce qui existe ne peut plus durer, sans qu’on sache précisément comment tout ceci peut finir. Ce sentiment, il est partout, chez ceux qui réfléchissent, qui ont quelque habitude des mouvemens politiques, l’expérience du passé, comme il est dans la masse nationale, qui ne juge qu’avec son instinct et son bon sens. C’est si évident que la plupart de ceux qui peuvent passer pour les chefs de la république ne peuvent se dérober à cette obsession pénible et déguiser leurs inquiétudes ; ils en sont presque tous là, depuis M. le ministre des affaires étrangères, qui, dans plus d’un discours, a laissé percer son découragement, jusqu’à M. Waldeck-Rousseau, qui, hier encore, à Lyon, avouait qu’il n’y avait jamais eu plus d’obscurité et d’incertitude, qu’il faut s’attendre à une crise prochaine. La vérité est que le mécontentement, le dégoût et la lassitude sont partout, que le pays, comme on dit, en a assez des gâchis financiers, des tyrannies de parti et de secte, d’une chambre dévorée d’anarchie et d’impuissance, des ministères qui passent leur temps à désorganiser le gouvernement, la défense sociale devant le désordre croissant. Voilà qui est clair! Il est un second fait également avéré, c’est que cette situation épuisée et plus qu’à demi perdue a une cause : elle est l’œuvre de la politique qui a été suivie depuis quelques années. Et vainement les républicains s’essaient à