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Jusqu’ici aucun ministre ne se levait pour faire, rentrer dans le néant toutes ces fantaisies dangereuses et imposer à tous le respect du règlement dont il est le gardien, parce que le ministre, même quand il est militaire, est trop souvent sans autorité morale, en face de vieux généraux, de corps d’armée, à qui. il faut d’ailleurs un sentiment bien vivace de discipline pour garder tout au moins l’apparence du respect vis-à-vis du chef d’un jour imposé par la politique. Il faut rendre au ministre actuel La justice qu’il s’est honoré aux yeux de l’armée en remettant à leur place quelques-uns de ces inventeurs.

Mais ces tentatives, même avortées, sont un signe révélateur de la faiblesse du pouvoir et de l’absence de toute volonté régulatrice à. la tête de l’armée..

En Allemagne, en Russie, en Autriche, lorsqu’on assiste à des grandes manœuvres, on y voit toujours le souverain, qui est le chef suprême de l’armée ; autour de lui se groupent tous ceux qui, sous ses ordres, sont les grands chefs de guerre. Ils viennent s’y instruire et se préparer à instruire leurs subordonnés. On se rend ainsi compte qu’une armée, quelque nombreuse qu’elle soit, puisse se mouvoir et opérer avec une parfaite régularité parce qu’elle est dominée par une volonté unique, invariable et toute-puissante.

Quand on évoque de pareils souvenirs, et qu’on a devait les yeux le spectacle de nos manœuvres, où semblent s’agiter convulsivement les tronçons d’un monstre qu’on aurait décapité, on est profondément attristé par la comparaison ; et il faut la foi indomptable et souriante de notre race pour ne pas se laisser envahir par le découragement.. On se demande où est le généralissime qui doit vouloir et imposer ses volontés, où est le major-général qui doit l’assister, où sont les chefs futurs de nos armées? — Le généralissime? on le condamne, pour ne pas lui donner trop d’influence, à ne voir d’autres troupes que les postes de la place Vendôme et à ne diriger d’autre manœuvre que la revue du 14 juillet. Le major-général inspectait les côtes de l’Atlantique. Quant aux inspecteurs d’armée, on les entrevoit à peine, tant ils sont réduits à la modestie, pour se faire pardonner une situation que les politiciens ont décrétée provisoire et essentiellement révocable.

C’est assurément un grand pas fait vers l’organisation nécessaire que d’avoir réuni en un, conseil supérieur de la guerre lies chefs des armées futures et de leur avoir confié, tant bien que mal, l’inspection des troupes qu’ils doivent diriger en cas de guerre. Mais ce n’est que le commencement d’une mesure qu’il faudrait avoir la sagesse de compléter. Il ne faut pas hésiter à établie à la tête de l’armée le généralissime qu’on a mis à la tête du conseil supérieur