dont il fut l’un des patrons au XVIIIe siècle. Mais cette idée que la science seule est capable de certitude, qu’en dehors de la certitude rationnelle ou expérimentale il n’y en a pas d’autre, et que la raison aidée du calcul est ou sera quelque jour la maîtresse du monde, elle appartient bien à Descartes ; et ici, comme plus haut, après une longue éclipse, c’est son influence que nous voyons reparaître.
De cette croyance au pouvoir infini de la raison, combinée avec l’idée de la souveraineté de la science, est né l’optimisme du XVIIIe siècle, celui dont quelques-uns de ses apôtres ont payé si chèrement, dans les jours troublés de la révolution, l’illusion qu’ils s’en étaient faite. Quand, en effet, il est admis que la science peut tout, et, d’un autre côté, que la capacité de la raison humaine est égale, pour ainsi dire, à l’infinitude du monde, comment admettre qu’il puisse y avoir un terme aux espérances de l’humanité ? Aussi les philosophes du XVIIIe siècle n’en ont-ils point vu ni d’ailleurs supposé. Mais leur homme idéal et abstrait, ils l’ont cru bon, ils l’ont cru perfectible, ou, si l’on aime mieux, ils ont cru et ils ont enseigné, par une conception que l’on pourrait croire imitée du platonisme, si l’on n’en connaissait maintenant les liaisons avec le cartésianisme, que le vice était synonyme d’ignorance, et, réciproquement, que la science était institutrice de vertu. C’est une erreur que beaucoup d’honnêtes gens partagent encore de nos jours, n’oubliant en cela que deux points, qui sont tout le problème : le premier que, bien loin d’être bon, l’homme naturel, supposé qu’il existe, voisin encore de l’animal et impulsif comme lui, pourrait bien être moralement mauvais; et le second, que l’objet de l’institution sociale étant de soustraire l’homme à l’impulsion de la nature, une connaissance plus approfondie de la nature en éloigne peut-être les civilisations plus qu’elle ne les en rapproche. Disons-le plus nettement encore : la connaissance de la nature ne peut servir qu’à en éloigner l’homme social, et la grande erreur du siècle est d’avoir cru qu’elle l’en devait rapprocher.
On le voit donc : l’une après l’autre, dans la littérature ou dans la philosophie du XVIIIe siècle, les idées essentielles du cartésianisme renaissent, et c’est même alors seulement, qu’en perdant la conscience de leur propre origine, elles prennent celle de leur puissance et de leur fécondité. Sans doute, pour agir, pour exercer une influence réelle sur la direction des esprits, il fallait que le cartésianisme se fût dégagé ou libéré du système particulier qui l’enveloppait. On remarquera d’ailleurs qu’il n’a vaincu le jansénisme qu’avec ses propres armes ou, pour mieux dire, en lui empruntant ses moyens d’action, en devenant, comme lui, une philosophie ou une conception de la vie, et en proposant sa solution