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encore signaler, si l’on le voulait! Je crois, toutefois, que ce sont ici les principales, et que toutes les autres s’y ramèneraient aisément. Non-seulement le cartésianisme et le jansénisme n’ont pas fait entre eux une alliance qu’aussi bien ils n’eussent pu contracter qu’en se laissant duper l’un par l’autre ; mais, si l’on peut encore dire qu’ils se sont partagé la direction des esprits au XVIIe siècle, c’est comme deux rivaux qui se partagent entre eux les conquêtes que chacun d’eux désespère de conserver tout entières. Regardons-y de plus près : ils ne se les sont point partagées, et, pendant plus de cinquante ans, le jansénisme ne s’est pas contenté de tenir le cartésianisme en échec, il l’a véritablement surmonté. Si d’ailleurs les Pensées n’ont paru pour la première fois qu’en 1670, c’est-à-dire trente-trois ans après le Discours de la méthode, il suffit d’ajouter premièrement, que le Discours de la méthode, à peine lu, comme on l’a vu, du vivant de Descartes, n’a commencé qu’après sa mort, en 1650, à exercer quelque influence, et, en second lieu, que les Pensées de Pascal, étant le plus pur du jansénisme, ne contiennent rien qui ne fût déjà dans l’Augustinus. Elles ne sont pas un point de départ, elles sont un terme ou un point d’arrivée. C’est ce que l’on oublie quand on va chercher. Dieu sait où ! les origines de ce livre immortel. Mais elles sont là où il est vraiment étrange qu’aucun interprète ou commentateur ne les soit allé chercher, je veux dire tout simplement dans l’Augustinus de Jansénius, et dans les Lettres de Saint-Cyran. Aux lieux-communs du jansénisme, Pascal n’a fait que donner sa forme inoubliable, et il est bien vrai qu’en un certain sens, au point de vue littéraire par exemple, le jansénisme ne date que de là ; mais son action est antérieure, son influence, l’autorité même de sa propagande, et la prédication publique de ses doctrines. Pascal a seulement décidé pour un demi-siècle, ou à peu près, d’une victoire demeurée jusqu’alors indécise entre les deux doctrines adverses ou rivales.

Aussi, pour bien entendre l’histoire des idées au XVIIe siècle, il ne faut pas nier l’influence du cartésianisme, il faut seulement la restreindre; et surtout il faut bien voir qu’ayant rencontré le jansénisme en face de lui, c’est le cartésianisme qui a été momentanément et presque complètement vaincu. Mais dans l’hypothèse la plus favorable, — je veux dire la plus conforme aux idées communément reçues, — il faut toujours admettre que l’histoire des idées au XVIIe siècle ne s’explique que par cette lutte. Si l’on ne le sait pas, ou qu’on n’en tienne pas compte, on ne s’explique pas que le cartésianisme ait si peu réussi, que les disciples en soient si rares, et, pendant plus de cinquante ans, les conquêtes si modestes. C’est qu’il ne pouvait rien là où déjà le jansénisme occupait la