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— Ah! voilà, reprit-elle à la fin, et elle lui tendit une main ouverte sur laquelle reposait un anneau d’or tout uni.

— Qu’est-ce? Qu’est-ce? Que dois-je faire?., demanda Dering, anxieux. Quelle est cette bague ?

— Je veux la remettre. C’est mon anneau de mariage.

— Barbara! Bon Dieu!.. Qu’avez-vous, ma chérie?.. Laissez moi appeler...

Elle le retint : — n’appelez personne... Je ne suis pas malade... Je sais ce que je fais. Ceci est mon anneau de mariage, je l’ai ôté, il faut me le remettre, il le faut, dit-elle d’une voix redevenue vibrante.

Dering était blanc comme un linge, les dents serrées, le sang bourdonnait dans ses oreilles.

— Vous n’êtes pas vous-même, répliqua-t-il enfin, se contenant avec effort; je ne sais pas ce que vous voulez dire.

— Mais moi, je le sais, s’écria-t-elle, en se soulevant à demi. Dieu m’a parlé, il m’a parlé durant ces heures terribles dans l’église, quand vous n’êtes pas venu,.. quand vous n’êtes pas venu...

— Je suis venu aussitôt que je l’ai pu. La nuit était noire et les routes ruisselaient comme des rivières... Barbara, vous me brisez le cœur.

Elle le regarda et reprit peu à peu son calme stupide.

— Les cœurs ne se brisent pas.

Ici, dansée moment d’émotion culminante, l’auteur a cru devoir introduire un peu d’argot qui frappe Dering lui-même, — Et nous lui en savons gré, — comme « grossier » en pareille circonstance.

— Vraiment? répond Barbara. Vous vous rappelez que je vous ai dit autrefois que j’étais grossière...

Et cette étrange veuve poursuit :

— Je crois avoir été honnête pourtant... Je vous ai dit ce que j’éprouvais pour Val, que je ne parvenais pas à l’oublier... Je vous ai dit qu’il me hantait, je vous ai dit que jamais nous ne pourrions être heureux. Les femmes n’oublient pas, même quand elles le désireraient,.. du moins les femmes telles que moi... Ce doit être affreux,.. ce n’est pas naturel... J’ai tout vu ce soir dans l’église. Ah! que j’ai eu peur! Je sais ce que je dois faire. Je conçois combien j’ai été coupable... J’ai été grossière,.. il n’est pas permis à une femme d’être grossière. Je ne comprends pas que vous ayez voulu de moi. J’étais à lui,.. J’étais à lui, d’abord, j’ai été sa femme. Comment serais-je devenue la vôtre? Je ne pouvais oublier; j’ai brûlé ma robe de mariée, j’ai brûlé son portrait, mais