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les conseils municipaux, soit les tramways, soit les téléphones; mais beaucoup d’entre eux se sont emparés des entreprises de gaz, d’électricité et surtout des entreprises d’eaux. Il ne semble pas que l’on ait beaucoup à se louer de cet industrialisme municipal, sujet ou enclin, dans des mesures variables, à l’arbitraire, à la corruption, au favoritisme, surtout à ces changemens fréquens de direction qu’entraîne toute dépendance du corps électoral. Sans entrer dans un examen détaillé de la question, rappelons quelques faits intéressans. D’après l’Economist (de Londres), le total des capitaux engagés dans l’industrie du gaz en Angleterre, en Écosse et en Irlande, s’élevait à 1,380 millions de francs, dont bien près de 500 millions ou 36 pour 100 environ représentaient le capital des entreprises gazières appartenant aux autorités locales. Sur 110 millions de francs de recettes, les frais d’exploitation atteignaient 79 millions environ, soit plus de 70 pour 100 ; les recettes nettes ne montaient qu’à 31 millions de francs, dont 22 millions et demi représentaient les charges d’intérêt et d’amortissement des emprunts spéciaux contractés pour ce service. Autant qu’on en peut juger, les hommes compétens ont, de l’autre côté de la Manche, une opinion peu favorable à la capacité des municipalités dans ces questions industrielles. On a attribué à l’esprit étroit et jaloux des conseils municipaux la lenteur des progrès de l’éclairage électrique dans la Grande-Bretagne, relativement à l’extension de ce même procédé d’éclairage aux États-Unis. On a voté, dans le printemps de cette année même, une loi pour modifier et restreindre les pouvoirs des autorités locales en cette matière. Les discours tenus par plusieurs personnages importans, lord Salisbury notamment et lord Herschel, ancien lord-chancellor dans l’administration libérale, témoignent que le socialisme municipal n’est pas nécessairement progressif. Voici le résumé de l’analyse que les journaux donnaient de ce débat : « Lord Salisbury, parlant du rôle que pourraient être appelées à jouer les municipalités en matière d’éclairage électrique, signale le danger de se laisser entraîner par le désir de donner aux municipalités le contrôle de ces choses-là. Nous avons, a-t-il dit, un nombre suffisant d’exemples qui portent sur la compétence des municipalités à se charger d’opérations commerciales sur une grande échelle. Nous savons que les tentations sont énormes, et le danger qu’il faut envisager est non pas tant celui de voir les municipalités administrer ces entreprises elles-mêmes, mais bien de les voir administrer par les fonctionnaires salariés de ces municipalités, aux mains desquels se trouverait un pouvoir énorme et irrésistible qui les expose à des tentations nombreuses, sans responsabilité pour eux. Lord Herschel, à son tour,