Le chemin de fer d’Andrézieux à Saint-Étienne coûta 115,000 fr. par kilomètre, celui de Lyon à Saint-Étienne 254,000 francs, celui de Saint-Étienne à Roanne 90,000 francs. Toutes ces entreprises furent bien conduites. Comme résultats financiers elles représentèrent les trois destinées qui se partagent les grandes œuvres industrielles : le succès éclatant, le succès modeste et l’échec. C’est naturellement au chemin de Saint-Étienne à Lyon qu’est échu le succès brillant. La propriété de cette ligne était divisée en actions de capital et en actions d’industrie ou d’apport, celles-ci n’ayant droit aux bénéfices qu’au-delà de 4 pour 100, mais prélevant la moitié de ce qui excédait ce taux ; quelques années après l’ouverture à l’exploitation, l’action de capital recevait 7 1/2 pour 100 et l’action d’industrie une somme presque triple de celle que touchait l’action de capital. Moins fortuné, mais suffisamment heureux encore, le chemin de Saint-Étienne à Andrézieux servit en moyenne 5 à 6 pour 100 à ses actionnaires. La victime, dans ces trois premières lignes ferrées françaises, ce fut celle de Saint-Étienne à Roanne, qui n’a presque jamais rien produit à ses auteurs.
Inauguré dans le district de la Loire, le mouvement s’étendait à l’entour. En 1830, on concédait 28 kilomètres d’Épinac au canal de Bourgogne. La région méditerranéenne s’animait. Dans les houillères du Gard et de l’Hérault, on pensa de bonne heure aux chemins de fer. Un homme qui a laissé un grand nom dans l’histoire industrielle de ce temps, Paulin Talabot, songeait à tout un réseau de lignes ferrées dans ces départemens du Midi. En 1833, l’on concédait le chemin de fer d’Alais à Beaucaire, c’est-à-dire au canal qui conduit à la mer. C’est la première ligne dont la concession fût temporaire, toutes les précédentes étant perpétuelles. La réalisation des chemins de fer du Gard et de l’Hérault ne devint définitive qu’en 1837. À la fin de l’année 1833, la France possédait 75 kilomètres de chemins de fer en exploitation ; 214 kilomètres étaient concédés. Les capitaux dépensés par les compagnies concessionnaires atteignaient 17 millions. Quant à l’état, contraste instructif, il avait consacré à des études de projets de voies ferrées 102,600 francs sur une somme de 500,,000 francs qu’une loi avait récemment mise à sa disposition.
Toutes ces premières concessions avaient été accordées, presque sans formalités, par le pouvoir exécutif, sans intervention de la loi. Les cahiers des charges étaient sommaires ; ils pensaient aux tarifs des marchandises, non à ceux des voyageurs. Le gouvernement de la restauration, chose curieuse, agissait à l’américaine.
Comment, après de si beaux débuts, dont n’eût rougi ni l’Angleterre ni l’Amérique, la France se laissa-t-elle autant attarder ? C’est