Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cap, en partit le 21, et le 9 décembre mouilla à Calcutta, ayant parcouru 18,000 kilomètres en trois mois et vingt-quatre jours. Dans tous ces progrès, la part de l’état lut mince et toute négative : l’administration britannique des postes décida qu’elle se servirait des navires à vapeur partout où il en existerait.

L’application de la vapeur à la locomotion sur terre fut plus lente. Comme pour la navigation, c’est en France aussi qu’on en fit les premiers essais. En faisant les célèbres vers : Sic vos non vobis,.. le poète latin transcrivait la formule des Français. En 1769 et en 1770, un ingénieur lorrain, Cugnot, essaya avec un succès relatif une sorte de locomotive routière. Bachaumont en parle dans ses Mémoires, et l’on peut voir cette machine à notre Conservatoire des arts et métiers. Au commencement de ce siècle, dans le pays de Galles, en 1804, on reprit ces essais. Ils n’eurent qu’un succès médiocre. De 1826 à 1833, l’opinion publique britannique s’éprit de ces tentatives et les multiplia. Un ingénieur, dont le nom fut alors célèbre, Gurney, institua un service régulier de locomotives routières pour les voyageurs. Vers 1831, une quarantaine de voitures fonctionnaient ainsi, ne faisant, d’ailleurs, que 3 ou 4 lieues à l’heure. Loin de favoriser ces commencemens, le parlement porta un coup terrible à ces entreprises en mettant sur ces voitures une surtaxe excessivement élevée, par la raison, disait-il, qu’elles usaient plus les routes que les voitures ordinaires. Plus tard, on diminua cette surtaxe ; mais déjà les locomotives routières étaient en décadence.

Il fallait, pour réussir, combiner à la fois les rails et la vapeur. Dès 1814, Georges Stephenson le tentait dans une concession houillère. Un membre de l’aristocratie britannique, lord Ravensworth, faisait les frais de cet essai, qui excitait alors l’universelle moquerie. Une des raisons qui font que l’état est moins apte que l’individu à seconder le progrès, c’est que, pour obtenir son concours, il faut convaincre tout le monde, ou du moins la majorité des conseils techniques ; or, toute majorité a une propension à la routine, du moins à la lenteur, aux précautions infinies qui lassent et déconcertent. Pour se gagner l’aide des capitalistes ou des sociétés libres, il suffit, au contraire, de convaincre ou de séduire quelques personnes, quelques esprits entreprenans, quelques joueurs même, ou, sur toute la surface d’un vaste pays, un grand nombre de personnes qui chacun apportent à l’entreprise nouvelle une contribution modeste.

L’état est absolument étranger, aussi bien en Angleterre qu’en France, aux premiers chemins de fer réguliers. La première ligne ferrée de ce genre dans la Grande-Bretagne est celle de Stockton à