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elle est un instrument de supplice pour les blessés, qu’elle brutalise. Je l’ai vue fonctionner après un des nombreux combats qui ensanglantèrent les avant-postes de Paris pendant la commune. Il fallait entourer le blessé des deux bras, lui maintenir la tête pour amortir un peu les chocs qui le secouaient. Dans les types actuels, tout a été combiné pour épargner au malheureux que l’on transporte les heurts et les brusques déplacemens. Espérons que le ministère de la guerre et la Société de secours auront un nombre suffisant de ces voitures bienfaisantes, et que l’on ne sera plus réduit, comme en 1870-1871, à réquisitionner des chariots d’artillerie et des fourgons de chemin de fer pour enlever les blessés et les cahoter jusqu’aux ambulances.

Quelque nombreuses et bien aménagées que soient les voitures de la Croix rouge, elles ne peuvent plus, actuellement, servir qu’à des transports de courte durée : du champ de bataille à l’ambulance, de l’ambulance à une gare. Les voies ferrées sont aujourd’hui un instrument de guerre de haute importance ; il est donc naturel qu’elles soient aussi un instrument de salut et de conservation. C’est à elles qu’est réservée désormais la mission d’emporter les blessés loin de tout conflit, de les déposer dans des ambulances centrales, de les conduire aux hôpitaux, de les mener, en un mot, entre les mains de la science et de la charité. La Société de secours s’est préoccupée de ce problème, et elle l’a résolu de telle façon, que les nations étrangères lui ont rendu justice; en effet, son modèle d’un train d’ambulance a obtenu le diplôme d’honneur à l’exposition universelle de Vienne en 1873. Là, ce ne sont plus des voitures, ce sont des wagons garnis de lits suspendus, d’une pharmacie, d’une cuisine, d’un garde-manger, sorte d’hôpital ambulant où le blessé, le malade trouve le chirurgien, l’apothicaire, l’infirmier et tous les secours dont il peut avoir besoin. Chauffés lorsqu’il fait froid, ventilés en cas de chaleur, ces wagons hospitaliers seront, en temps de guerre, un inexprimable bienfait, et formeront un contraste mémorable avec les wagons à bagages et les wagons à bestiaux, sans compter quelques wagons à ballast que nous avons vus autrefois transporter des troupes. Je me rappelle que, sur un de ces wagons malfaisans, un soldat avait écrit à la craie : « Service de la boucherie. »

L’étude du transport des blessés ne s’arrête pas, et chaque jour on cherche à réaliser de nouveaux progrès. Au ministère de la guerre fonctionne, presque en permanence, une sous-commission de trains sanitaires; une des questions posées est celle-ci : en admettant que les wagons d’ambulance soient insuffisans, comment aménager les wagons à bagages pour le transport des blessés? Une expérience intéressante a été faite à ce sujet par notre