Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Allemagne sont ensépulturés, ainsi que disait le vieil Amyot et honorés comme des braves qu’ils ont été.

Le monument élevé à leur mémoire a été plus ou moins imposant, selon le nombre de morts qu’il recouvre ; parfois ce n’est qu’une simple pierre avec un seul nom, celui du soldat qui se repose là du tumulte des batailles. Partout l’inscription est identique : « À la mémoire des soldats français décédés en 1870-1871. R. I. P. nunc meliorem patriam appetunt ; érigé par leurs compatriotes. » — Près des camps, dans les landes, où, faute de cimetières, l’on déposa ceux que la mort avait appelés, des clôtures furent établies qui délimitèrent l’enceinte du champ funèbre et l’isolèrent pour le mieux protéger. Ces tombes subsistent ; elles ne sont point abandonnées ; il en est plus d’une que j’ai visitée ; on les respecte, et parfois j’y ai vu un bouquet de fleurs fraîchement cueillies mêlé à des couronnes que le temps avait desséchées. Il me semble que le culte des morts compris de la sorte et en de telles circonstances dénonce l’inanité des querelles et condamne la férocité des combats. Ce n’est pas tout : dans 52 villes, des anniversaires de prières ont été fondés à perpétuité pour nos soldats morts sur le sol allemand. Près de 80,000 francs furent consacrés à cette œuvre pie, dont la totalité fut fournie, en fractions à peu près égales, par les souscriptions individuelles, par le gouvernement français, et par la Société de secours aux blessés.

Noire Société de la Croix rouge avait bien mérité de l’humanité ; elle s’était prodiguée pendant la guerre, elle n’avait point déserté son poste devant les sacrilèges de la commune, elle avait été chercher nos blessés dans les hôpitaux étrangers où ils languissaient encore, elle avait aidé dans de larges proportions à élever sur la terre de captivité des tombes à ceux qui ne devaient point revoir leur patrie. Elle avait rempli sa tâche avec intelligence et dévoûment, comme une bonne mère qui s’empresse autour de ses fils malheureux. Sans elle, nos pertes déjà si douloureuses eussent été plus terribles encore. Elle pouvait croire qu’elle était quitte envers ce que sa conscience lui avait ordonné. Il n’en fut rien. Il lui sembla qu’une cérémonie publique devait unir tous les cœurs français dans une pensée commune, et que ceux qui étaient vainement tombés pour la défense du pays avaient droit à un hommage public. Un service funèbre, où le catholicisme déploya toutes ses pompes, fut célébré à Notre-Dame par les soins de la Société de secours. Le général de Cissey, l’amiral Pothuau, M. Jules Simon, ministres de la guerre, de la marine et de l’instruction publique, des députations de l’Assemblée nationale, le maréchal Mac-Mahon, le grand-chancelier de la Légion d’honneur, le gouverneur des Invalides, des délégués des grands corps de l’état, des sous-officiers représentant toutes les armes de l’armée, assistèrent à cette solennité et écoutérent