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REVUE LITTERAIRE

SYMBOLISTES ET DECADENS.

Il y a déjà longtemps que j’aurais voulu, que j’aurais dû peut-être parler d’eux ; et, comme ils sont féconds, comme ils sont bruyans aussi, les occasions ne m’en eussent pas manqué. Mais, comme ils sont jeunes, à l’exception d’un ou deux, comme ils ne sont point tout à fait dépourvus de talent, comme ils paraissent avoir, sur quelques points d’esthétique et d’histoire, des idées qui seraient justes si elles étaient mieux équilibrées, j’attendais toujours, et je me flattais, dans ma naïveté, qu’aux moyens qu’ils ont pris de provoquer l’attention, charlatanesques et funambulesques, ils en joindraient enfin de légitimes, pour la retenir et la fixer. Car, il est bien de se moquer du monde, et même cela passe en France pour une forme de l’esprit, mais cela ne saurait suffire toujours, et, après le temps de rire, il y a celui d’être sérieux. J’appréciais donc à leur valeur, qui n’est pas ce qu’on appelle grande, mais qui est rare et singulière, les Fêtes galantes et les Romances sans paroles de M. Paul Verlaine, sa Sagesse et son Amour; j’appréciais l’Hèrodiade et l’Après-midi d’un faune de M. Stéphane Mallarmé, les Complaintes de M. Jules Laforgue, les Cantilènes de M. Jean Moréas; et voire les Palais nomades de M. Gustave Kahn, les Cygnes ou l’Ancœus de M. Francis Vielé-Griffin. Ce sont là, je crois, presque tous les maîtres ou tous les futurs grands hommes de la « décadence. » M. René Ghil n’en est plus, ni même M. Anatole Baju, quoique pourtant leurs productions