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puisse fournir de son empressement à répondre à l’appel d’une loi bienveillante et à s’arrêter prudemment sur la pente de la ruine, c’est d’offrir à ses créanciers, le lendemain de la faillite, les débris d’un actif encore important qui le mettent à même de les satisfaire dans une certaine mesure... » C’est pourquoi le concordataire doit avoir acquitté 25 pour 100 au moins sur le montant des créances vérifiées ou fourni des garanties acceptées par le tribunal, afin d’assurer, dans les délais fixés par le traité, le paiement de 50 pour 100. C’est, à notre avis, une combinaison très sage, car le failli, ses parens et ses amis, stimulés par le désir d’effacer la faillite, déploieront tous leurs efforts pour éteindre cette importante partie du passif. En même temps qu’on aura fait beaucoup pour le débiteur, il y aura plus de concordats, surtout plus de concordats sérieux, et, par conséquent, moins de gens ruinés.

Ce n’est pas encore, pour le débiteur, la réhabilitation complète. Celui-ci ne doit pouvoir recouvrer la plénitude de ses droits qu’après avoir acquitté toutes ses dettes. Mais le contre-projet rattache habilement à tout ce mécanisme une demi-réhabilitation. En accomplissant toutes les conditions requises pour faire rapporter sa faillite, le débiteur, — Et c’est un nouveau moyen de l’engager à les accomplir, — reconquiert une partie de ses droits. Il reste inéligible, mais redevient électeur. Ce nouveau système a sans doute l’inconvénient d’ôter aux faillis un puissant motif de souhaiter leur réhabilitation proprement dite, mais leur donne un puissant motif de souhaiter une demi-réhabilitation en payant un dividende sérieux à leurs créanciers. Tel est le caractère de toute loi sur les faillites, qu’on s’y trouve sans cesse entre deux écueils. Mais tandis que le projet parlementaire, dans cette question des déchéances civiques, sacrifie manifestement les créanciers aux débiteurs, la cour de cassation nous paraît avoir tenu la balance égale entre les uns et les autres.

Ce n’est pas le seul adoucissement qu’on puisse apporter à la législation des faillites. D’après le décret de 1808 sur la Banque de France, aucun failli non réhabilité ne peut être admis à l’escompte; d’après la loi de 1838, aucun failli non réhabilité ne peut se présenter à la Bourse. A quoi bon? De deux choses l’une: ou cette gêne légale doit causer un tort réel au failli, ou elle ne doit produire aucun effet. Dans le premier cas, il est absurde de rendre au concordataire la direction de son commerce en semant d’obstacles la route qu’on lui a frayée ; dans le second, mieux vaut se taire que parler pour ne rien dire. On peut également modifier, ainsi que M. Vergoin le demandait à la chambre, cette disposition du code qui enjoint au tribunal (à moins que le débiteur n’ait déclaré sa cessation de paiemens et déposé son bilan dans