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aucun moyen » pour faire triompher la cause d’un gros financier, tantôt faire pencher la balance en faveur du failli lui-même, « quand ce failli est un personnage de ressort, habile à prendre plus tard sa revanche, » il lui reproche avant tout de se montrer trop sûr de lui-même dans les questions où le concours des spécialistes est utile, ce qui le conduit trop souvent à réaliser l’actif avec précipitation et sans intelligence, et « de prendre des airs d’indépendance qui le mènent à envisager les faillites comme sa propre chose. » Cette critique, que nous ne pouvons pas analyser complètement, est vive et serrée. Il faut ranger dans le même camp M. Serville, avocat à Toulouse, auteur d’une bonne étude sur les syndics de faillite, publiée en mai 1888 par la Société de législation comparée. En face de ces assaillans se dressent des défenseurs non moins résolus, tels que MM. Langlais, Malapert, etc. M. Cauvet combat dans ce dernier bataillon, mais plutôt à l’arrière-garde.

Nous ne sommes ni d’un côté ni de l’autre. Nous n’éprouvons pas le besoin d’anéantir les syndics, administrateurs nécessaires de la faillite; mais nous croyons qu’ils doivent être contrôlés, et nous reconnaissons qu’ils n’obéissent pas toujours à la loi. Par exemple, elle leur ordonne de verser à la caisse des dépôts et consignations dans les trois jours, sous peine de payer l’intérêt à 5 pour 100, tous les fonds que les ventes et recouvremens de la faillite ont mis entre leurs mains; cette obligation est très souvent négligée, et l’on cite des tribunaux de commerce où les syndics ordinaires gardent dans leur caisse ou même portent à leur compte personnel, chez des banquiers, des sommes importantes. Un autre article du code leur enjoint de remettre tous les trois mois au juge-commissaire un état de la situation de la faillite et des deniers versés à la caisse des dépôts pour que celui-ci en ordonne sans tarder, s’il y a lieu, une répartition entre les créanciers ; cette disposition n’est pas mieux observée. Un troisième article leur prescrit de rendre leur compte dans la dernière assemblée des créanciers ; mais dans quelle forme ce compte leur est-il rendu ? comment sont-ils mis à même de le contrôler et de le débattre? comment les honoraires sont-ils fixés ? le syndic les fera-t-il préalablement taxer ? La loi, sur ces derniers points, ne s’explique pas, et des usages très divers s’établissent, enfantant divers abus. Toutefois, s’il est aisé de signaler les abus, il l’est moins d’y remédier. Ce n’est pas qu’on ne propose une grande quantité de remèdes ; mais combien d’entre eux seraient pires que le mal !

La Belgique a ses « liquidateurs assermentés, » l’Angleterre ses official receivers, le Canada son syndic officiel placé par le gouvernement dans chaque district; le code italien fait dresser par les chambres de commerce un rôle des personnes propres à remplir la