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c’est-à-dire entamer le moins possible ses droits et sa bonne renommée. C’est pourquoi le jugement prononçant la liquidation n’ordonnera ni l’apposition des scellés ni l’inventaire; le débiteur ne sera pas dessaisi, mais contrôlé par un liquidateur, et restera capable de faire les diverses opérations de son commerce, sous cette surveillance et avec l’autorisation du juge-commissaire, le cas échéant ; enfin, si le concordat réussit, il sera simplement inéligible aux compagnies d’ordre professionnel, à la chambre ainsi qu’au tribunal de commerce, aux conseils de prud’hommes, aux chambres consultatives des arts et manufactures; rien ne subsistera des autres déchéances.

La commission législative refusait d’abord le bénéfice du concordat aux « faillis » en le réservant aux a liquidés. » Comment? voici un débiteur qui, de très bonne foi, a cru pouvoir opérer le règlement de son passif au moyen de pourparlers amiables et n’y a pas réussi, ou qui, ayant voulu tâter de la liquidation judiciaire, n’a pas réuni dans le premier moment d’effervescence la majorité nécessaire au concordat sans lequel elle ne pouvait être obtenue : tout était consommé! Ce débiteur n’a commis ni fraude ni faute grave, et pourtant il eût perdu le droit de conclure plus tard le traité qui l’aurait libéré partiellement et remis à la tête de ses affaires ! C’était bien dur, et la situation des commerçans insolvables se trouvait, par là même, singulièrement empirée. Encore si le concordat était un simple contrat de bienfaisance dans lequel une des parties acceptât par générosité pure un abandon fait par l’autre! Mais c’est, en général, une transaction non moins utile aux créanciers qu’au débiteur. Plus de concordat, plus de dividende. Ainsi que l’ont clairement expliqué la chambre de commerce de Lyon, la cour de Montpellier, etc., le projet parlementaire, en voulant punir le débiteur, atteignait les créanciers. Alors que les parens ou les amis du failli seraient encore prêts, ainsi qu’on le voit souvent, à faire un sacrifice pour lui permettre de distribuer un dividende acceptable, ce qui, sous le régime actuel, eût concilié tous les intérêts, tout apaisé, tout réglé, les créanciers eux-mêmes ne pouvaient plus exprimer ni faire prévaloir leur volonté. Était-ce raisonnable?

Ce vice était encore aggravé par la disposition qui subordonne à des formalités accomplies dans un très court délai la faculté de réclamer la liquidation judiciaire. On ne procède pas par périphrases dans le premier rapport de M. Laroze : « La marche est toute tracée, dit-il ; il faut interdire la possibilité d’obtenir un concordat, au débiteur qui n’aura pas déposé son bilan dans les premiers jours. » La cour de cassation, d’accord avec les chambres de commerce de Lyon, de Bordeaux, etc., a protesté contre une aussi prompte déchéance. « La brièveté de ce délai s’accorde mal, lit-on dans le rapport de