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commission nommée par la chambre des députés. Ce but est clairement indiqué dans le rapport supplémentaire de juin 1888 : « Le projet, dit M. Laroze, repose sur la distinction entre le débiteur honnête et celui qui ne Test pas ; il repousse la loi de 1838 en ce qu’elle établit une règle commune à tous et, par suite, infiniment trop sévère pour le commerçant malheureux ; mais le projet dont il s’agit n’accorde de faveur au débiteur malheureux que dans des circonstances strictement limitées. » Tel est aussi notre point de départ ; en outre, quoique nous différions avec la commission sur les moyens de résoudre le problème, nous avouons sans difficulté que son œuvre est sérieuse et comportait un mûr examen du pouvoir législatif.

Voici l’innovation principale : le commerçant qui suspend ses paiemens pourrait, à de certaines conditions, éviter la déclaration de faillite en obtenant une « liquidation judiciaire. » Dans l’état actuel des choses, quelques tribunaux de commerce, méconnaissant leur devoir, ont imaginé, tantôt par commisération, tantôt par complaisance, de substituer, de temps à autre, à la procédure légale une sorte de faillite inoffensive où tout se négocie à la sourdine et qui soustrait le débiteur insolvable à toutes les déchéances prononcées par la loi. « Des observateurs consciencieux, dit M. Thaller, ont cru remarquer-que, sur les places où fonctionnent les liquidations judiciaires, il s’était opéré dans les vieilles traditions d’honneur et d’intégrité commerciale un certain affaissement. » La commission entendit régulariser, en l’améliorant, cette réglementation coutumière de la faillite.

Quoique le code oblige le commerçant insolvable à déposer son bilan dans les trois jours de la cessation de ses paiemens, le nombre de ceux qui se conforment au vœu de la loi diminue de jour en jour ; il s’est abaissé de 64 pour 100 à 39 ou 38 pour 100 ! Pour empêcher les déclarations tardives après épuisement de l’actif, aussi funestes au débiteur lui-même qu’à ses créanciers, il faut, par l’appât d’immunités importantes, encourager le négociant malheureux à déposer son bilan dès que sa situation est compromise. Donc tout négociant qui prendra cette précaution non plus dans les trois jours, mais dans les dix jours[1], sera « recevable» à réclamer une liquidation judiciaire, pourvu qu’il offre un concordat à ses créanciers. S’il ne l’offre pas ou s’il ne parvient pas à le faire voler et homologuer en temps et lieu, il sera mis en faillite. Cependant, pour le déterminer à prendre le bon parti, il faudra « faim parler, » aussi clairement que possible, « la voix de l’intérêt personnel, »

  1. La chambre des députés vient de porter ce délai de dix à quinze jours. Mais c’est un amendement sans grande portée, qui laisse subsister toutes nos critiques.