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proposition de M. R. Waddington, une proposition de M. Pally (11 décembre 1886), qui se rapproche du « projet Saint-Martin[1], » une proposition très radicale de MM. Millerand, Camélinat et d’un certain nombre de leurs collègues (17 mai 1888), un nouveau contre-projet de M. Lecomte (19 mai), enfin un dernier projet en vingt articles rédigé par la commission parlementaire et que précède un rapport supplémentaire de M. Laroze (9 juin). La commission s’est fatiguée des lenteurs apportées à l’examen du grand projet. Elle a pensé que la chambre actuelle, absorbée par la politique proprement dite et parvenant d’ailleurs au terme de son mandat, n’aurait pas le temps de voter un nouveau code des faillites et banqueroutes en 177 articles. C’est à peine si, au bout de quatre ans, les deux chambres de la monarchie constitutionnelle, en 1838, c’est-à-dire en pleine paix politique et sociale, avaient pu suffire à cette rude besogne! En conséquence, la commission « détachait les parties essentielles du projet, » « ce qui, lit-on dans le rapport supplémentaire, donnerait satisfaction à tous ceux qui veulent en finir avec cette si utile réforme. » Ce projet fut, en effet, mis inopinément en discussion dans la seconde quinzaine d’octobre et voté en trois séances.

La réforme intégrale est-elle donc si universellement réclamée ? La commission parlementaire déclare dans son premier rapport que « les nombreuses manifestations des tribunaux et des chambres de commerce lui ont ouvert la voie. » En effet, les chambres de commerce de Lyon, de Paris, de Lille, de Rouen ont approuvé le principe de la réforme, avec un plus ou moins grand nombre de restrictions. De nombreux syndicats professionnels, lit-on dans le rapport supplémentaire du 9 juin, ont pressé la commission d’achever ses travaux, et M. Laroze a répété que « l’opinion publique demande avec instance la modification de la loi actuelle. » M. le professeur Thaller n’est pas bien loin d’embrasser cet avis : « Et cependant, dit-il, après avoir décerné maint éloge à la loi de 1838, cette loi fléchit sous les mêmes critiques que celles dont sa devancière a été l’objet; elle n’y résistera pas longtemps... » Tout le monde, à vrai dire, ne s’accorde pas sur ce point, La cour de Montpellier qualifie de « factice » ce mouvement d’opinion, déclarant que les chambres et les tribunaux de commerce « ne l’ont ni provoqué ni subi. » M. Langlais regarde aussi « l’agitation » comme « factice » et l’impute aux agens d’affaires qui exploitent chez les uns l’ignorance, chez les autres

  1. Néanmoins M. Pally accuse de « timidité » tous les autres réformateurs. L’article 1er de sa proposition est ainsi conçu: « Le livre III du code de commerce est abrogé. »