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Poitiers, et qui dirige le Cours pratique où les chefs d’escadron et les capitaines de l’arme vont tour à tour apprendre les règles du tir. Cette année encore, aux écoles à feu, elle a fait expérimenter de nouveaux procédés plus perfectionnés que les précédens. Ses propositions ont eu pour la plupart un grand succès ; néanmoins, on a constaté qu’elle commence à suivre une pente dangereuse. Quand on est arrivé à la perfection, il est rare qu’on ne cherche pas à la dépasser. On tombe dans le byzantinisme ; on coupe les cheveux en quatre ; on va au compliqué, au tarabiscoté. Quelques-unes des nouveautés qui viennent d’être mises à l’essai ont été critiquées : on les a trouvées trop ingénieuses pour les besoins de la pratique. En dépit de ces protestations ou plutôt de ces avertissemens (car, à vrai dire, on se proposait surtout d’enrayer une tendance qu’on avait cru démêler, à tort ou à raison), le Manuel provisoire de tir, adopté le 16 avril 1858, consacre un incontestable progrès.

Il y reste malheureusement une lacune. Les principes donnés pour le réglage du tir de groupe sont insuffisans… Mais qu’est-ce que le groupe ? Autrefois, la batterie de six pièces était l’unité tactique, par excellence, de l’artillerie ; aujourd’hui, c’est la réunion de trois batteries, formant ce qu’on appelle un groupe. Ces dix-huit canons, faisant converger sur l’objectif un tir nourri et bien réglé, l’écraseront rapidement, l’anéantiront d’une façon définitive. En les plaçant sous un même commandement, en les faisant suivre par une colonne de munitions, on assure la convergence de leurs efforts et la continuité de leur action. Leur union fait leur force ; le groupe a plus de puissance meurtrière que trois batteries isolées s’attaquant, sans entente, sans concert, sans unité de vues, à un objectif commun. Et pourtant, il faut le reconnaître, mises en ligne sur le même terrain, elles se gênent tellement pour le réglage, qu’une seule peut y prendre part ; les deux autres, pendant ce temps, n’ont qu’à se croiser les bras ou à faire autre chose. La fumée qui se répand sur le front les empêche de prendre une part quelconque aux tirs d’essai. Groupées, elles trouvent moins vite la bonne hausse que si elles étaient séparées ; en revanche, une fois cette hausse trouvée, elles l’utilisent bien plus avantageusement. Aucune règle pratique n’a permis de remédier à cette défectuosité reconnue du tir de groupe ; mais il est possible d’affirmer qu’elle va disparaître avec l’emploi de la nouvelle poudre, puisqu’on n’a plus à craindre, maintenant, la production de fumée, qui était l’obstacle jusqu’à présent inéluctable. Notre nation en recueillera tout le bénéfice.

Certains officiers réclament encore d’autres réformes : l’adoption D’une hausse à crémaillère, par exemple, un meilleur enseignement