avais établies en arrière d’une haie ; j’espérais que cette haie, ainsi que des arbres qui étaient devant, cacheraient notre position à l’ennemi. Mais nos premiers obus éclatèrent dans les branches, presque à la bouche des pièces. Il fallut donc commencer par abattre les arbres qui nous gênaient; ce fut l’affaire de plus d’un quart d’heure. À ce moment se produisirent les incidens que je viens de relater, et, avec cela, l’ennemi nous inquiétait considérablement. Je n’avais d’autre parti à prendre que de faire cesser le feu sur toute la ligne, de contrôler moi-même le pointage de toutes les pièces et de faire tirer les batteries par salves, afin que l’explosion simultanée de six projectiles permît de mieux voir et de mieux juger. Cette façon primitive de mesurer les distances a été proposée par le colonel de Scherbening, qui venait, à la minute même, d’être tué. Elle nous donna de bons résultats. Nous commençâmes à avoir bien des coups heureux ; l’ennemi cessa de pointer avec calme, ses feux perdirent de leur efficacité ; bientôt nous eûmes le dessus. Mais plus d’une heure s’était écoulée en tâtonnemens in- fructueux. Or, la distance se montait, si je ne m’abuse, à 3,200 pas, ce qui ferait 2,400 mètres. Nous étions donc à la distance que l’on considère comme la plus propice au duel de l’artillerie, et on prétend aujourd’hui qu’au bout d’un quart d’heure ce duel amènera un résultat décisif! »
Ne croyons donc pas à une action foudroyante de l’artillerie. Son entrée en scène a un effet immédiat : le premier grondement de ses détonations intimide l’adversaire et raffermit le courage de vos propres troupes. Mais la stupeur ou la joie qu’elles causent sont de courte durée, surtout si les armées en présence ne sont pas composées exclusivement de novices. Il faut que la besogne accomplie réponde au tapage qui se fait, que le mal soit en proportion du bruit. Le canon, si à l’user on reconnaît l’inefficacité de son tir, deviendra un épouvantail inoffensif, comme ces mannequins plantés dans les champs et sur lesquels, d’abord effarouchés, puis peu à peu rassurés, viennent se poser les oiseaux qu’ils sont destinés à écarter loin des semences. L’efficacité du tir dépend de la construction des obus d’abord, ainsi que du fonctionnement de la fusée et des autres données matérielles dont nous avons parlé, mais ensuite des méthodes de réglage. Elles doivent être simples, formulées en termes clairs que l’esprit comprenne et que la mémoire conserve facilement. Leur application doit être possible sans qu’on ait à hésiter. Elles doivent enfin mener avec sécurité et rapidement au résultat voulu, c’est-à-dire à la détermination de la hausse qui convient à la distance du but.
Les procédés réglementaires en France sont unanimement jugés excellens. lis sont dus à une commission technique, siégeant à