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cette durée précise, tandis que, jusqu’à présent, il fallait se livrer à certaines manipulations préalables, desserrer un écrou, faire jouer une pièce mobile et la fixer en resserrant l’écrou, avant de percer à l’endroit voulu le tube détonateur qui a remplacé la mèche des bombes primitives.

Tous ces perfectionnemens n’ont rien qui frappe l’imagination, rien qui donne à l’esprit un sentiment d’aise : ils sont faits surtout d’imperfections disparues. Ah ! parlez-nous de fusils à répétition, de petit calibre, de cartouches légères, de tir rapide : voilà qui est clair ou qui semble l’être. Mais quel intérêt peut bien présenter la peinture des caissons ou la disposition nouvelle qu’on a donnée aux dossiers et aux marchepieds des avant-trains? Les gens du métier seuls peuvent trouver quelque profit à suivre ces progrès de détail ; ils ne s’en privent pas, d’ailleurs, et sont unanimes à reconnaître le parti brillant qu’on a pu tirer, à peu de frais, d’un outillage originairement médiocre. Habituellement, les retouches gâtent l’œuvre primitive ; fût-elle manquée, il vaut mieux la laisser intacte et respecter l’esprit qui a présidé à sa conception, jusqu’au jour où on la détruira radicalement pour faire du neuf. Aussi a-t-on pu craindre que tant de replâtrages successifs, au lieu de consolider un édifice lézardé, n’aient fait que boucher les fissures et masquer les vices de construction. A cet égard, on peut être rassuré : on n’a pas caché ces vices; on les a bel et bien fait disparaître. L’adoption d’obus très allongés, dits obus de quatre calibres (longueur égale au quadruple du diamètre, c’est-à-dire du calibre), complétera un ensemble de mesures que tous les artilleurs, même les plus conservateurs et les plus épris de stabilité, considèrent comme excellentes.

L’emploi de la poudre sans fumée pour le chargement des gargousses ne saurait être mis au même rang que les humbles modifications auxquelles le grand public n’attribue qu’une importance médiocre et n’attache qu’une faible attention. Il s’agit là d’autre chose que d’une réforme matérielle : cette substitution d’un agent chimique sournois à un explosif tapageur entraîne plus qu’une diminution du recul. Et pourtant ce que les inventeurs de ce remarquable produit semblent avoir eu uniquement en vue, c’était l’atténuation des pressions intérieures produites dans l’âme par les gaz provenant de la déflagration; l’atténuation, par conséquent, des chances d’éclatement ou de déculassement ; et aussi plus de sécurité pour le personnel, une moins rapide fatigue dans les mouvemens à bras exécutés par les servans, une moindre usure de la pièce et de son affût. Il s’est trouvé qu’une propriété accessoire de la nouvelle poudre tend à jouer le rôle principal. La suppression de la fumée marque une ère nouvelle pour la tactique. Elle va, semble-t-il, modifier considérablement la physionomie des combats. Dans