— J’ai votre affaire ; venez me trouver demain chez M. Harrison, Lancaster-Street.
Mason fut exact au rendez-vous. M. Harrison était un fabricant de bagues auquel M. Heeley le présenta et le recommanda. En peu de mots, l’affaire fut conclue. Mason entra en qualité de commis chez Harrison, qui fut et resta son ami, et dont il garda jusqu’à sa mort un souvenir reconnaissant. Un an plus tard, M. Harrison lui cédait sa fabrique, dont Mason acquittait le prix sur le bénéfice de ses premières années, les machines ingénieuses qu’il avait inventées lui permettant de décupler sa production. Mais ce genre d’industrie était forcément limité ; il lui assurait une modeste aisance, rien de plus ; et l’esprit actif et curieux de Mason cherchait un champ plus vaste, un produit d’un usage universel, répondant à une consommation constante, partant à une production illimitée. Il le cherchait parmi ces infiniment petits objets utiles à tous, à la portée de tous. La formule se précisait dans son esprit : inventer un article nouveau, répondant à un besoin universel ; concentrer sur cet article toutes ses facultés d’invention, le fabriquer à bas prix, l’imposer à tous par son bon marché et son indiscutable utilité. On finit par trouver ce que l’on cherche avec persévérance.
Son ami, M. Harrison, très lié, malgré la différence de condition sociale, avec le docteur Priestley, grand physicien anglais, raconta à Josiah Mason qu’un jour le docteur se lamentait devant lui de la difficulté croissante qu’il éprouvait, vu son âge avancé et sa vue déraillante, à tailler les plumes d’oie dont on se servait exclusivement alors. Harrison ajouta que, désireux de venir en aide à son vieil ami, il avait eu l’idée de lui fabriquer un bec de plume en acier, emmanché dans une légère tige de bois. Non sans peine, il réussit à confectionner un objet assez informe dont le docteur se servit tout en le trouvant dur et d’un maniement peu commode. Depuis, — c’était en 1829 que M. Harrison faisait ce récit, — plusieurs essais avaient été tentés pour substituer les plumes de fer aux plumes d’oie, mais sans grand succès.
Ce fut un trait de lumière pour Mason. Dès le lendemain, il se mit en campagne et finit par découvrir chez un papetier de Bull Street une carte de neuf plumes en fer, du prix de 3 shillings 1/2, 4 fr. 25. Il s’en procura une, rentra chez lui, se mit à l’œuvre et le lendemain en avait fabriqué trois. « Deux, dit-il, ne valaient pas grand’chose, mais la troisième était bonne, flexible et bien fendue. » Sur la carte, il avait noté le nom du fabricant : Perry, Red Lion-Square, London. Il lui adressa sa plume. « Le lendemain, ajoute-t-il, M. Perry arrivait chez moi, et de ce jour je devins fabricant de plumes de fer. »