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conséquent, renouveler de temps en temps le travail d’évaluation qu’on avait fait en 373, ou le tenir au courant. Les Athéniens négligèrent cette précaution, et pour eux le capital imposable du pays fut toujours de 6,000 talens. L’inconvénient, au fond, était sans importance, du moins pour ce qui est de savoir si la taxe était équitablement répartie ; seulement, la proportion entre le capital imposable et le capital brut varia désormais au gré des vicissitudes du second. Ce qui fut beaucoup plus grave, c’est que l’état réel des fortunes de chaque symmorie ne répondit plus bientôt à la statistique officielle. Les oscillations ordinaires de la richesse, surtout dans une société industrielle et commerçante, la ruine ou la prospérité des individus, la création de nouveaux citoyens, les partages des successions, furent autant de causes qui peu à peu rompirent l’équilibre établi d’abord entre les groupes, et l’on sentit, comme nous, la nécessité de procéder à la péréquation de l’impôt. Deux moyens s’offraient : on pouvait distribuer l’eisphora entre les symmories, non plus par fractions égales, mais au prorata du capital de chacune ; on pouvait aussi remanier périodiquement la composition de ces groupes, de manière à ce que leur timèma restât immuable. Lequel de ces deux moyens fut adopté ? Je présume qu’on préféra le second ; car il semble que les symmories ne fussent pas des cadres fixes, et qu’on les reformât assez fréquemment. On devine sans peine qu’il y en eut pour les métèques comme pour les citoyens.

L’ancien mode de perception dura jusqu’en 362. Cette année-là, les Athéniens furent assaillis par de sérieux embarras. Un tyran de Thessalie, Alexandre de Phères, leur enleva l’île de Ténos. Un prince de Thrace, s’étant révolté contre le roi du pays, sollicita leur appui, sous promesse de conquérir pour eux la Chersonèse (aujourd’hui presqu’île de Gallipoli). Les Proconnésiens, leurs alliés, imploraient en même temps des secours contre Cyzique, qui les assiégeait. Enfin, les navires qui étaient allés charger du blé dans le Pont-Euxin craignaient d’être saisis au passage, avec leurs cargaisons, par les gens de Byzance et de Chalcédoine, si bien que le grain devenait rare et cher au Pirée. Pour tenir tête à toutes ces difficultés, on décréta une eisphora, et, comme il fallait avoir cet argent sans délai, on dressa une liste de citoyens qui seraient contraints d’en faire l’avance à l’état. On se trouva bien de cette mesure, et, depuis lors, ce qui n’avait été d’abord qu’un expédient fut la règle. Sur les 1,200 citoyens classés dans les symmories, les plus riches, au nombre de 300, furent astreints au service de la proeisphora, c’est-à-dire que, dans tous les cas où l’on votait une taxe sur le capital, ils versaient immédiatement au trésor la somme totale, sauf à la recouvrer ensuite sur les contribuables. Ce système procurait