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l’impôt, et cela est juste, du moment que la loi couvre les uns et les autres d’une égale protection. Les Athéniens se conformaient à ce principe. Tout étranger qui annonçait nettement l’intention d’établir son domicile en Attique, ou même qui y prolongeait son séjour, devait l’eisphora. Pour ces individus comme pour les citoyens, la déclaration servait de base à l’évaluation des biens, mais toujours sous le contrôle des magistrats, des particuliers et des tribunaux. La suprême ambition de beaucoup d’entre eux étant d’acquérir les droits civiques, la plupart affectaient à l’égard du peuple une générosité dont ils espéraient obtenir tôt ou tard la récompense. Une phrase, malheureusement trop vague, de Démosthène, donne à penser qu’il n’y avait pas pour eux de distinction de classes, et qu’ils payaient tous le sixième de leurs biens. Mais l’énormité de la taxe, même en supposant de grosses dissimulations, rend cette opinion suspecte, et l’on a dit que ce sixième indique la proportion entre le capital imposable et le capital brut. Il reste pourtant cette difficulté, que les étrangers considéraient comme une faveur d’être mis, quant à l’eisphora, sur le même pied que les Athéniens ; ce qui serait assez singulier, si pour les plus riches la proportion, dans ce cas, s’était élevée du sixième au cinquième. Peut-être ceux-ci jugeaient-ils que le sacrifice était peu de chose en comparaison des avantages qu’ils en retiraient. Être taxé aux mêmes conditions que les citoyens, c’était passer au rang d’isotèle et toucher presque au droit de cité. Le privilège n’était pas trop chèrement acheté par une augmentation fort légère de taxe. L’eisphora des étrangers, ou, comme on les désignait, des métèques, offrait encore une particularité. Il est probable qu’elle n’était pas toujours perçue dans les mêmes occasions que celle des citoyens, et que, sans être permanente, elle était parfois plus fréquente. On connaît deux individus qui, de 347 à 323, ont eu à l’acquitter chaque année, et les Athéniens, dans cet intervalle, ne furent pas astreints à la même obligation. Le produit en fut employé à réparer l’arsenal du Pirée et les loges des navires. C’était là une dépense d’ordre militaire, mais ce n’était pas proprement une dépense de guerre, et il est possible qu’on taxât de préférence les métèques quand il y avait lieu d’exécuter un travail de ce genre. D’ailleurs, on évitait alors de les surcharger ; dans l’exemple que je cite, la somme annuelle à recueillir n’était que de 10 talens (58,940 fr.). La répartition était faite par une commission formée d’étrangers, et sans doute élue.

L’impôt sur le capital fut d’abord perçu en régie. On ne discerne pas bien si les répartiteurs étaient simultanément percepteurs, ou s’il y avait des magistrats spéciaux pour chaque opération. Soit mauvaise volonté, soit insuffisance de ressources, les contribuables se montraient quelquefois récalcitrans. Mais la loi était fort sévère