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publique dans les affaires particulières, et qui, par exception, désirent qu’elle les aide dans l’affaire spéciale qui les préoccupe, et cherchent à étendre l’action sociale de leur côté, tout en admettant qu’elle doit être bornée sur tous les autres : un écrivain conservateur demandait récemment, dans un grand journal quotidien, que l’état subventionnât les pêcheurs pour les aider à acheter des bateaux et des filets ! Si, par un phénomène particulier à notre pays, en ce siècle, et contraire à ce qu’il serait raisonnable d’espérer, tous les gouvernemens, bien loin de se fortifier, s’affaiblissent par leur durée même, cela ne tient-il pas à ce que chaque jour accroît la masse des mécontentemens qu’une responsabilité universelle et excessive ne peut manquer d’accumuler contre eux ?

Le budget moyen d’un département n’étant guère supérieur à 1 million, on peut dire qu’il n’y a pas de vie départementale parce qu’il n’y a pas de finances départementales ; quand la chambre se sera déchargée sur les conseils-généraux de la presque totalité du budget actuel des dépenses de quatre ou cinq ministères, en leur abandonnant une portion de recettes correspondante, par exemple les quatre contributions directes, — le budget actuel est incontestablement au-dessus des forces du parlement, puisqu’il ne parvient à l’établir qu’à la fin d’avril, — on a quelque motif de croire que certaines dépenses inutiles diminueront. Si le budget de l’état ne contenait pas un crédit de 2,800,000 francs pour encouragemens aux collèges communaux, on ne verrait pas, dans bien des chefs-lieux d’arrondissement que je pourrais citer, des professeurs de rhétorique ou de seconde, dont la classe se compose d’un ou deux élèves, et qui pourtant touchent 2,500 à 3,000 francs par an. On verrait cesser aussi cet enchevêtrement entre les budgets de la nation et ceux du département, qui existe en tant de chapitres : les prisons, les lycées, les casernes de gendarmerie, etc. Les prisons sont des bâtimens départementaux, mais c’est l’état qui en a l’usage et les administre ; quand il faut les réparer, c’est le département qui paie, mais c’est l’état qui impose ses plans. Il en est de même entre les villes et le ministère de la guerre pour le logement des troupes. L’état, le département, la commune ne devraient-ils pas rester chacun dans leur domaine propre, s’y mouvoir à leur gré, sans entrer dans des négociations compliquées où forcément la volonté du pouvoir central domine ?

Sans doute, il y aura des conseils-généraux qui géreront bien, et d’autres qui géreront mal ; il y en aura d’économes, il y en aura d’endettés. Dès à présent, le nombre des centimes additionnels varie de 0 dans la Côte-d’Or à 50 dans la Charente, ce qui ne veut pas dire que les plus imposés soient les plus maladroits ; c’est une affaire