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doit, dès le jour de l’étape initiale, être en mesure d’accompagner l’armée, de telle sorte que la tente d’ambulance soit dressée lorsque le premier canon est mis en batterie. De cela aussi, l’Allemagne s’était rendu compte, et elle ne fut point prise au dépourvu lorsque l’heure du péril eut sonné.

Pendant les quatre années qui s’écoulèrent entre la guerre de Bohême et la guerre de France, l’Allemagne était, du reste, dans un singulier état d’esprit. La paix qui régnait alors semblait n’être pour elle qu’un armistice ; elle était agitée d’une inquiétude vague, elle se contemplait avec étonnement, ne comprenant pas trop pourquoi elle s’était divisée en deux camps adverses, et n’était pas loin de chercher une occasion de se réunir dans une action commune. Elle était persuadée qu’un long temps ne se passerait pas avant qu’elle eût à entrer dans une lutte de suprématie avec sa voisine des bords du Rhin ; elle se laissait peu détourner de cette préoccupation ; et elle mettait les jours à profit pour compléter, pour fortifier son système militaire, pendant que les comités de la Société de secours aux blessés redoublaient de zèle, recrutaient des adhérens, accumulaient le matériel de pansement et enregistraient les noms des médecins disposés à prendre le brassard de la Croix rouge. Là fut donné un exemple de prévision, une leçon qui, j’espère, ne restera pas stérile. En un clin d’œil, on fut sur pied. Les mouvemens des armées, celui des ambulances volontaires furent simultanés, et sur le premier champ de bataille, les blessés trouvèrent ceux qui devaient les secourir. Tout fut fait avec une méthode qui exclut le désordre et rend les secours plus efficaces.

Dans le livre que j’ai déjà cité[1], M. G. Moynier dit : « En 1870, les sociétés purent mieux que précédemment opposer les armes de la charité à celles de la violence et faire une rude guerre à la guerre elle-même. Après avoir passé par un utile apprentissage, elles avaient mis à profit les expériences du passé. » Au lendemain de la déclaration de la guerre, 2,000 comités allemands étaient à l’œuvre, reliés au comité central de Berlin et profitant de ses ressources pécuniaires, qui atteignirent la somme de 18,686,273 thalers, représentant plus de 70 millions de francs. L’état ne marchanda point son aide et accorda les franchises postale et télégraphique. L’organisation était très forte et très hiérarchisée ; elle recevait les ordres supérieurs et s’y soumettait, tout en réclamant de l’initiative individuelle le concours des dons et du dévoûment. Les objets destinés aux ambulances étaient

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