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le personnel sanitaire, à quelque degré hiérarchique qu’il appartint. Les armes de la confédération helvétique étant de gueules à la croix d’argent, on les inversa et l’on en fit l’écusson d’argent à la croix de gueules. Les chirurgiens, les ambulanciers, les infirmiers le portent en brassard ; les hôpitaux, les ambulances, les convois de brancards l’arborent sur un drapeau. Aujourd’hui la Croix rouge est une sauvegarde ; elle n’a pas toujours été respectée.

Ce n’était pas tout que d’avoir réglé la convention, il s’agissait de la faire accepter par les divers gouvernemens d’Europe. À notre honneur, ce fut la France qui paya d’exemple ; un mois après la signature de l’instrument définitif, c’est-à-dire le 22 septembre 1864, elle y adhérait. En Allemagne, le grand-duché de Bade fait le premier acte d’initiative le 16 décembre 1864 ; la Prusse n’arrive que la treizième le 22 juin 1865 ; l’Autriche s’attarde et n’apparaît que le 21 juillet 1866 ; à la journée de Sadowa, elle dut regretter ses lenteurs ; la Russie, qui est très ardente actuellement à propager les nouvelles doctrines, se laissa devancer par presque toutes les puissances et ne donna son consentement que le 22 mai 1867. Aujourd’hui, nulle puissance ne s’est soustraite à cette loi d’humanité ; l’ancien et le nouveau-monde fraternisent à travers les océans, et désormais la guerre protégera ses victimes, sur terre et sur mer, en reconnaissant qu’elles ont droit aux immunités de la Croix rouge.

Non-seulement l’Allemagne se rallia aux statuts de la convention de Genève, mais elle fut la première à lui donner pour corollaire une Société de secours aux blessés. Elle y fut conviée par la guerre de Bohême, 1866, qui mit face à face et les uns contre les autres tous les états dont l’union forme actuellement l’empire germanique. Chacun des gouvernemens engagés dans la lutte eut son comité d’action, qui réunissait les dons en argent et en nature, établissait des ambulances, suscitait le bon vouloir des médecins civils et venait en aide, dans une très appréciable mesure, aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et de l’ordre Teutonique, relevant des couronnes de Prusse et d’Autriche, qui avaient pour mission de veiller au salut des blessés. Quoique l’Autriche, toujours un peu hésitante, n’eût pas encore accepté la sauvegarde de la Croix rouge, on n’y fit pas moins des efforts très sérieux pour amoindrir les cruautés de la guerre, et on y organisa, pour la première fois, un bureau de correspondance qui facilitait les communications des soldats avec leur famille et fournissait des renseignemens sur les malheureux recueillis dans les ambulances et dans les hôpitaux. C’était là une amélioration excellente, qui naquit, à Vienne, de l’initiative individuelle de quelques gens de bien, qui a rendu de grands services, et qui est