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caisson d’ambulance. Nous faisons faire cinquante brancards, car nous en sommes complètement dépourvus ; nous manquons également de couvertures. » Le même jour (la date est importante à retenir), le médecin en chef écrit au président du conseil de santé : « En fait d’instrumens, je tiens beaucoup à ce que la boîte à résection soit fournie d’urgence à chaque ambulance divisionnaire ; veuillez en assurer l’envoi immédiat, s’il n’a pas déjà été fait par l’administration de la guerre. » Le 19 mai : « Le service de santé du corps d’armée de la garde n’est pas encore assuré… Absence de moyens de transport, pas de litière, pas de cacolet, pas de fourgon ; — pénurie de moyens de pansement ; insuffisance des appareils à fracture. J’ai demandé avec insistance du chloroforme, du perchlorure de fer, rien ne m’a encore été livré. » Ainsi, faute de chloroforme, le patient ne peut être insensibilisé pendant qu’on lui coupe un membre, et, faute de perchlorure de fer, on ne peut arrêter que difficilement les hémorragies, qui, cependant, ne sont point rares dans les batailles. — Le 24 mai, après le combat de Montebello, qui fut le premier contact avec l’ennemi : « Les salles, les cloîtres et l’église sont garnis de paille, car nous manquons absolument de couchage ; afin d’économiser le peu de linge dont nous disposons, j’ai fait requérir des habitans une certaine quantité de mousse destinée aux fomentations d’eau froide. Je vous informe avec regret que, par suite de l’inexpérience ou des préoccupations de l’intendance, près de 800 blessés ont été nourris, pendant quatre jours, par la commisération publique. Les régimens et les ambulances continuent à manquer de médicamens, de même que nous sommes dépourvus d’infirmiers militaires. » A Alexandrie, le 24 mai, 128 blessés et fiévreux arrivent par le chemin de fer, dans des wagons à marchandises, sur une légère couche de paille ; au débarcadère, nul moyen de transport. « Il m’a été répondu par MM. les officiers de l’intendance, présens à l’arrivée du convoi, qu’il n’y avait à la gare ni voitures ni brancards, mais qu’on les attendait d’un moment à l’autre. »

On a oublié les leçons reçues en Crimée ; l’encombrement des hôpitaux devient un péril ; on entasse les malades, les blessés les uns près des autres, on semble appeler l’épidémie. — « Gênes, 7 juin : Nous sommes loin du chiffre posé au début comme contenance de l’hôpital, et, en persévérant dans la voie où l’on nous pousse, nous arriverons à une catastrophe ; il est bon que l’intendance en soit bien convaincue et tienne compte de notre expérience. » — « Gênes, 8 juin : Les médicamens prescrits jusqu’à ce jour ont été préparés par un médecin aide-major, en attendant l’arrivée d’un pharmacien. » Le médecin en chef se désespère ; il