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La mesure n’était nullement imprévue. Cependant elle surprenait le marché en pleine expansion de hausse ; et l’ardeur de la spéculation, au moins en ce qui regarde les rentes françaises, a été refroidie. Le 3 pour 100 se trouvait alors à 84.45. Il a reculé à 84.10, soit à 83.35, coupon détaché, à partir du 16, et ce cours même n’a pu être conservé. Les transactions ayant pris une grande importance en septembre, la lutte est devenue vive à l’approche de la liquidation, les fluctuations de cours se sont succédé brusquement. La crainte d’une nouvelle élévation du taux de l’escompte a fait fléchir la rente à 83.10 ; les acheteurs l’ont relevée à 83.35, sur le démenti donné par l’événement à ces appréhensions. Mais, comme il apparaît très probable que la Banque d’Angleterre sera obligée de décréter jeudi prochain ou la semaine suivante ce qu’elle n’a pas décrété jeudi dernier, la reprise n’a duré qu’un jour, et la spéculation haussière a procédé à de nombreuses liquidations. Les rentes, toutefois, se sont relevées après la réponse des primes, et le 3 pour 100 restait samedi dernier à 83.15.

On redoutait une tension sensible des reports. Il est clair qu’avec l’escompte officiel à 4 et bientôt à 5 pour 100, il ne peut plus être question de reports au pair, à moins qu’il ne se forme un grand découvert, car le taux des reports dépend plus directement de la situation de la place et du sens dans lequel se trouve la masse des engagemens que du taux de l’escompte. Mais il n’y a pas de découvert en ce moment sur les rentes, tandis que les acheteurs ne sont sans doute pas tous de première qualité. Les reports seront donc plus élevés fin septembre qu’auparavant, mais ils ne seront pas d’une cherté excessive, et ils ne suffiraient pas à empêcher toute nouvelle progression de cours, si la politique ne devait à bref délai exercer de nouveau son action sur le marché et intervenir dans les calculs des spéculateurs.

La session extraordinaire du parlement va s’ouvrir le 16 octobre. Le ministère sera vivement attaqué, la question budgétaire soulèvera bien des orages ; il sera de nouveau constaté que nos budgets sont mal établis, que les dépenses excèdent de plusieurs centaines de millions par année les recettes régulières, et que la chambre et le gouvernement sont également impuissans à trouver les moyens de parer au déficit.

Ces moyens sont cependant tout indiqués. Il faut faire un grand emprunt de liquidation de 1 1/2 à 2 milliards et créer pour 200 à 300 millions d’impôts nouveaux, tant pour gager cet emprunt que pour empêcher le retour du déficit à l’avenir. Mais la chambre actuelle, qui n’a plus qu’une année (quelques mois peut-être) à vivre, se gardera bien, à la veille des élections, de voter des impôts ou d’autoriser un emprunt. Elle léguera à la prochaine législature ces gros embarras