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à une force de caractère digne d’éloge, économisent, même au prix de terribles difficultés, il y a ceux, et ils sont nombreux, qui gaspillent ; qu’on relève notamment l’effroyable consommation d’alcool qui absorbe annuellement en France 1,600 millions de francs, et, en vidant les poches des buveurs de petits verres, détruit leurs forces physiques et mine leur intelligence, il sera impossible à l’esprit impartial de nier que, contrairement aux conclusions pessimistes des défenseurs de la loi d’airain, le salaire s’est élevé en moyenne, au-dessus des besoins rigoureux de chaque jour, d’une quantité égale à la fois à l’épargne qui a déjà été accumulée, aux progrès qui ont été réalisés dans le bien-être, et aux sommes qui sont annuellement perdues en dépenses stériles ou nuisibles, dépenses qui, en tout cas, ne peuvent pas rentrer dans le calcul du coût des subsistances indispensables à la vie.

« Il n’est pas douteux, dit M. Léon Say[1], pour ceux qui ont étudié l’histoire des ouvriers, que, depuis un siècle, les progrès de leur bien-être ont été immenses, et que ceux de leur moralité, quoique moins rapides, sont loin d’avoir été nuls. Les ouvriers du XIXe siècle sont dans un état de prospérité beaucoup plus grand et dans un état de moralité sensiblement supérieur, et n’ont rien à envier, à ce point de vue, aux ouvriers du temps passé. »


IV

Le contrat de salaire a certes besoin d’être perfectionné pour achever de s’approprier à la situation politique et morale des populations ouvrières ; il est nécessaire que, dans et par la liberté, de nouvelles institutions naissent, ou que d’autres, déjà fondées, se développent, qui facilitent les relations entre ceux qui emploient et ceux qui offrent le travail. C’est là un domaine où il reste beaucoup à tenter pour empêcher de naître ou du moins de s’envenimer des conflits qui, en semant des germes de discorde civile, compromettent l’avenir de notre industrie. Bien des combinaisons dans ce sens pourront et devront être essayées[2]. D’autres institutions augmenteront la sécurité du travailleur, assureront le repos de ses vieux jours, le protégeront contre les crises commerciales et le chômage ; l’amélioration des conditions du travail est le grand problème de l’avenir, et s’impose au souci du politique aussi

  1. Turgot, p. 201.
  2. Voir entre autres, dans la Revue du 15 juin 1871, notre étude sur les Conseils d’arbitrage anglais.